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1. En cette période de commémoration, je voudrais parler de Rose, une grande dame pour laquelle je veux tenir nos mémoires en éveil. Sa vie a basculé entre le 22/04 et le 17/06/1994. Chaque jour jusqu'au 17/06, je vais vous parler de celle qu'elle fut #laVieDeRose #Rwanda #RwOT🇷🇼
2. Comme toute chronique, l’itinéraire de vie que je vais vous raconter est divisé en plusieurs périodes. L'histoire de Rose suit le calendrier de l'Histoire de son pays natal, le Rwanda : avant 1959, entre 1959 et 1994, entre avril et juillet 1994 et après 1994. #laVieDeRose
3. Elle s’appelait donc Rose, et elle était aussi belle que la reine des fleurs. Comme ne tarderait pas à le démontrer son parcours accidenté de jeune fille, de femme, de mère puis de veuve, Rose appartenait à la version la plus résistante de l’arbuste dont elle porte le nom.
4. Au #Rwanda chacun reçoit son nom, attribué selon les circonstances, l’histoire familiale, les attentes des parents, etc. Le père de Rose espérait une belle dot, car elle fut nommée Murorunkwere (tout jeune homme, en voyant la beauté de Rose, devait songer à demander sa main).
5. Rose Murorunkwere, la bien nommée, est née le 6 août 1945 à Byumba, dans le Nord-Est du #Rwanda. Elle a eu une enfance très rwandaise et très heureuse, passée dans un vaste enclos, entre ses parents, ses grands-parents et une fratrie de 8 enfants, 3 garçons et 5 filles.
6. Son père, Didas Bayijahe, appartenait au clan des Abatsobe, lignée des Ababona. Sa mère, Bernadette Nyiratamba, était issue du clan des Abanyiginya, lignée des Abagunga. Son grand père Bitanuzire était sous-chef (avant 1959, admistrateur des terres/ troupeaux et/ou une armée).
7. Bitanuzire est mort lorsque Rose était jeune, mais elle se souvenait de lui. Il adorait sa petite-fille. Quand elle était petite, Rose pleurait souvent. On l'emmenait alors chez son grand-père qui, même de nuit, se levait pour la prendre dans ses bras et pour la consoler.
8. Cela énervait la grand-mère de Rose, Nyiramukobwa, qui n’était pas du genre gnagnan. D'elle, on disait qu'elle était « ingare », i.e. une femme de caractère. Pour la petite histoire, Nyiramukobwa a vécu jusqu’à cent ans. Elle est morte en 1993, un an avant le génocide.
(A demain, même rue, même heure ).
9. Lorsque Rose était à l'école, Nyiramukobwa faisait 60 km pour lui rendre visite. Parfois, elle la trouvait malade. Car, au réfectoire de l'internat, on servait igikoma. Or, cette bouillie de sorgho ne convenait guère à l'estomac de Rose, qui avait grandi en buvant du lait.
10. Sans se soucier d’interrompre son cursus scolaire, la grand-mère « w’ingare » la ramenait dare dare chez son père. Mais, en les voyant arriver, Bayijahe se fâchait. Il avait hérité du caractère trempé de sa mère, et il n’appréciait pas qu'on interrompe les études de sa fille.
11. Bayijahe avait étudié à Astrida (Butare, aujourd’hui Province du Sud). Il avait du interrompre ses études à la mort de son père Bitanuzire, pour lui succèder en tant que sous-chef (la charge étant héréditaire). Mais il tenait absolument que ses enfants fassent des études.
12. « Il ne faut pas gâter cette enfant, disait-il. Elle n’aura pas toujours la vie facile ». Le roi Rudahigwa avait admonesté ses chefs : « Il faut que vos enfants étudient, pour s'ouvrir l’esprit ». Et avec Bayijahe, le conseil n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
13. Bayijahe: « Rose doit apprendre la vie à la dure. A quoi Nyiramukobwa répondait: « Faudra t-il que le lait de nos vaches soit bu par les bergers pendant que nos enfants attrapent la diarrhée ? ». Et son fils de répliquer: « Je t’obéirai sur tout, mais par sur l'éducation ».
14. Nyiratamba, la mère de Rose, observait tout ce cirque avec un calme royal. C’était une femme humble, « impfura cyane ». Comme toute Rwandaise de l’époque, son rôle consistait à veiller à la bonne marche du foyer. Elle était analphabète, ce qui déplaisait à son mari.
15. Lorsque Bayijahe voulait envoyer un message, il envoyait des notes ECRITES. Comme sa femme ne savait pas lire, il râlait : « Je ne vivrai pas avec une femme qui ne sait ni lire ni écrire ».
16. Bayijahe avait décidé d'apprendre à écrire à sa femme. A l’aide de panneaux, il tentait de lui inculquer quelques lettres de l’alphabet, comme il l’avait appris lui-même à l'école Astrida. Finalement, comme il était sous-chef, il appointa un dénommé Gatimbo à cette charge.
17. Les parents et les grands-parents paternels de Rose s’entendaient biens. Par ailleurs, malgré les divergences de vue et de tempérament, leurs couples respectifs étaient harmonieux. Il arrivait que les parents se disputent, mais ils ne le faisaient jamais devant les enfants.
18. La famille de Rose habitait un « rugo » de sous-chef, i.e un vaste enclos traditionnel rwandais, avec plusieurs huttes :
- I Kambere (accueil des visiteurs)
- I Kanazi (?)
- I Kinihira (hutte des enfants)
- Ibigega (greniers pour le sorgho, le vin de banane, le miel)
- Etc.
19. Malgré un caractère autoritaire, Bayijahe était un homme serviable. «Ntacyo wamuburanaga agifite». Sa femme Nyiratamba était une femme active. Sous sa supervision, tout était organisé dans l'enclos, chaque chose était à sa place. Chaque activité/grenier avait son responsable.
📌
Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
C'est le souvenir des absents,
dans la mémoire des vivants...

#laViedeRose #Rwanda🇷🇼 #Kwibuka25

(A demain, même rue, même heure ).
20. Rose étudiait à Byumba, dans une école proche de l’enclos de son père. Les institutrices étaient des Benebikira, des religieuses plutôt sévères. On y éduquait les élèves à la dure, qu’ils soient filles de sous-chefs ou pas.
21. D'ailleurs, crtaines religieuses se montraient encore plus dur avec les filles de chefs/sous-chefs, qu’elles soupçonnaient d’êtres gâtées et de « se laisser vivre ». Mais Rose avait été marquée par la bonté de deux d’entre elles : Mama Immaculata et Mama Gérard.
22. Dans le milieu de Rose, l’éducation des garçons et des filles était différente. En rentrant de l’école, les filles étaient tenues de participer aux travaux domestiques, en balayant l’enclos. Quant aux garçons, il allaient s’occuper des vaches et/ou arroser les champs.
23. Dans les années 50, l'enfance de Rose s'écoula paisiblement entre collines et pâturages, au sein d'une famille unie. Parce qu'elle était trop jeune, son enfance heureuse fut à peine perturbée par des tensions sociales bien réelles, mais qu'elle ne percevait pas.
24. A la fin de l’école primaire, les élèves du #Rwanda passaient un examen. Ceux qui le réussissait se voyaient assigner une place dans l’une des écoles secondaires crées par les Père Blancs. Rose réussit son examen fut envoyée à Save (Butare, aujourd’hui Province du Sud).
25. A Save, Rose fit la 7ème préparatoire, puis passa en 1ère secondaire. Mais, entretemps, l’Etat venait de terminer la construction d’une nouvelle école pour monitrices à Kigali. On décida que tous les enfants du Nord iraient étudier dans cette école, et Rose y fut transférée.
26. Mais le 25 juillet 1959, la Grande Histoire fit une incursion remarquée dans la vie de Rose : le Mwami (roi) Mutara Rudahigwa mourut à Bujumbura dans des conditions mystérieuses (il venait de consulter un médecin belge), inaugurant une période de troubles.
27. De manifestations en révoltes, la situation dégènera en jacquerie jusqu’en novembre 1959 et c la Toussaint Rwandaise. Les Tutsi du pays furent pourchassés et massacrés. Des dizaines de milliers de personnes quittèrent leurs enclos pour se cacher, d'autres quittèrent le pays.
(28. C'est à cette époque que les Tutsi prirent la (mauvaise) habitude de se réfugier dans les églises. Leur mémoire collective avait conservé le souvenir de sanctuaires inviolables. Car en 1959, les assaillants ne n'entraient pas dans les églises. Cela leur coûtera cher en 1994)
29. Parce que son père était sous-chef, la famille de Rose était particulièrement visée. Lorsque les troubles éclatèrent, elle venait de fêter ses 14 ans et se trouvait en vacances à Byumba. Des 8 enfants dont elle était l’aînée, seul manquait un frère qui étudiait à Goma.
30. Le père de Rose, décida de quitter son enclos. Avec sa famille et ses troupeaux, il prit la route de l'exil. Leurs serviteurs aidèrent son père à convoyer ses troupeaux jusqu’à la frontière la plus proche. La famille campa de l’autre côté de la frontière ugandaise, à Kamwezi.
31. A 14 ans, alors qu’elle venait de commencer sa 2ème secondaire, Rose dut quitter son pays . Son enfance se termina au milieu de troubles dont elle ne saisissait pas l’ampleur. Elle ne savait pas que, 3 décennies plus tard, l'année 1959 déterminerait le reste de sa vie.
📌 « Il n’y a pas un #exil. Ce sont toujours des exils »

Mourid al Barghouti (poète et écrivain palestinien)

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32. Le lendemain de l’arrivée de Bayijahe et des siens, le prefet de Byumba, un certain Kayijuka, vint à la frontière, près de l’endroit où campait la famille de Rose, afin de les exhorter à rentrer.
33. Un micro à la main, il faisait le tour du campement en criant : « Tous les enfants qui vont à l’école sont priés de rentrer pour terminer leurs études. Je garantis leur sécurité ». Deux jours plus tard, ce fut au tour des prêtres diocésains de venir, avec plusieurs voitures.
34. Or, Bayijahe avait inculqué à Rose l’importance des études. Quands les autorités et le prefet embarquèrent les enfants en âge scolaire (secondaire), Rose partit avec eux pour retourner au Rwanda.
35. C’est ainsi qu’à 14 ans, Rose quitta sa famille. Elle retourna à Kigali pour finir ses études. Mais elle revint seule, car sa famille resta en Uganda. Averti par les Tutsi du Nord qu’il y avait eu des morts (on brûlait leurs maisons), son frère de Goma refusa de rentrer.
36. A l’époque, voyager dans la région n’était pas aisé. De plus, Rose était jeune, en peu perdue, sans le sou et une certaine surveillance s’exercait sur les Tutsi restés au pays. Sur le frontière ougandaise, Bayijahe et les siens avaient changé de campement.
37. Pour toutes ces raisons et bien d’autres, non seulement l’enfance de Rose prit fin en 1959, mais elle ne revit plus aucun membre sa famille durant 35 ans, jusqu’en juillet 1994.
📌 Les gens disent que nous ne savons pas ce que nous avons avant de l’avoir perdu. En réalité, nous savons exactement ce que nous avons, mais nous ne nous attentions pas à le perdre. (Auteur inconnu)

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38. De retour à Kigali, Rose reprit ses études secondaires Le cursus pour devenir Monitrice (« umwalimukazi ») durait 5 ans. Comme sa famille n'était plus dans le pays, elle passait ses vacances avec d’autres filles dans la même situation qu'elle, chez les Sœurs Bernardines.
39. Rose termina ses études de monitrice en 1963. Comme c’était l’Eglise catholique qui finançait ses études, on l’envoya chez le prêtre du Diocèse de Byumba, un allemand du nom de Mauller. (A l’époque, le #Rwanda était divisé en 3 diocèses : Nord, Centre, Kabgayi)
40. Le père Mauller assigna à Rose un poste dans une école rurale de Ruhengeri (Nord) dans un lieu appellé Mu Kinoni. La jeune fille (19 ans) y donnait cours aux enfants des paysans locaux qui, parce qu'elle était claire de peau (« inzobe » ) l’appelaient « umuzungu ».
41. Rose vivait avec d'autres monitrices. Ses collègues et elle dépendaient d’un dénommé Otto Rusingizandekwe, secrétaire d’Etat à l’Enseignement nommé par le Gouvernement Kayibanda du 28 janvier 1961. Mais elles étaient « surveillées » par un prêtre belge du nom de Durpin.
42. Les premières années, Rose tenta de reprendre contact avec sa famille. Mais le père Durpin avait la mauvaise habitude d'ouvrir les lettres des monitrices dont les parents étaient exilées. Il voulait vérifier si elles ne disait rien de mal sur le Rwanda.
43. Mais Donat Gatsirage, un prefet dont la femme était Tutsi, informa les jeunes monitrices dont les parents étaient exilées que leur courrier était surveillé. Il leur recommanda de faire attention à ce qu'elles écrivaient. Rose se sentait surveillée. Elle renonça à écrire.
📌 L'exil est une espèce de longue insomnie (Victor Hugo)

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44. Rose resta 4 ans « Mu Kinoni », l’école rurale de Ruhengeri où elle enseignait. Elle gagnait 2.500 FRW par mois, une fortune à l'époque. Ses collègues et elle habitaient une maison qui leur avait assignée par le Diocèse du Nord aux monitrices (« Abalimukazi »).
45. Rose provenaient de tous les milieux, mais elles cohabitaient en bonne intelligence. Il faut dire que l’Etat les chuchoutaint. Ainsi, le Secrétaire d'Etat en charge de l’Enseignement venait souvent les voir pour s’assurer que tout se passait bien.
46. Rose pensait que les monitrices étaient chouchoutés car, au début des années 60, la 1e République n’avait pas encore formé ses propres enseignants. Peu de Rwandais avaient été à l’école secondaire, et ceux-là ne voulaient enseigner : ils voulaient devenir prefet ou ministre.
47. Rose et ses collèges n’osaient pas sortir de chez elles, tant parce qu’elle ne connaissait pas leur environnement que par peur. Beaucoup d’entre elles avaient des parents en exil. Elles étaient convaincues qu’elles étaient surveillées, ce qui se vérifierait plus tard.
48. Mais Rose et ses amies avaient 20 ans. Elles étaient curieuses du monde qui les entourait, et elles se mirent à sortir dans les alentours. Puis elles s’enhardirent jusqu’au centre-ville de Ruhengeri.
49. Les monitrices sortaient en groupe, belles et propres sur elles, habillées de robes mini (la mode à l'époque, déjà) et coiffées de l’ « umumbunda ». Un week-end, parce qu’elles voulaient découvrir la capitale et s’acheter des vêtements, elles poussèrent jusqu’à Kigali.
50. C’est à Kigali (qui était alors un gros bourg) que Rose rencontra Charles.
📌 Le bonheur est la plus grande des conquêtes,
celle qu'on fait contre le #destin qui nous est imposé...
(Albert Camus)

#laViedeRose #LeDestindeRoseEtCharles #Rwanda #Kwibuka25

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51. Charles avait 4 ans de plus que Rose. Né en 1941 dans « Mu Buganza », l’Est du pays, il était issu d'un dénommé Rwasubutare, dont les nombreux descendants, qui se comptaient par centaines en 1994, occupaient à, eux seuls, une colline toute entière.
52. Charles avait fait des études de technicien au Burundi. En 1959, il se trouvait à Bujumbura. Il était issu de Rwasubutare, un Tutsi de Buganza qui n'avait pas été trop persécuté en 1959. De retour en 1963, il avait retrouvé ses parents, ses frères/soeurs et toute sa famille.
53. Charles et Rose commencèrent à se fréquenter. Il lui rendait visite à Ruhengeri. Il venait avec d’autres jeunes gens instruits, venues voir ses collègues. Il faut dire que « Abalimukazi » étaient très recherchées. De fait, c’étaient les seules femmes alphabétisées du pays.
54. Rose: « Abantu b’Abalimukazi, wabonaga alibo abantu b’i Kigali bashaka gusaba. Wabaga warize kandi ufite uburere, bakabona ko urimo umugeni ».
(les monitrices étaient recherchées. Quand tu avais étudié, que tu étais bien éduquée, ils voyaient en toi une fiancée potentielle)
55. Au bout d'un certain temps, Charles proposa à Rose de quitter la campagne pour l’épouser. Charles : « Aliko iki giturage wazakivuyemo ? ». Mais, parce qu’elle était Tutsi, avec une famille en exil et qu'elle se savait surveillée, Rose avait très peur.
56. Etait-elle libre de ses mouvements ? Pouvait-elle quitter « Mu Kinoni » pour Kigali, sans autorisation ? Rappelons que sommes en 1967. Rose a 22 ans. Elle est séparée de sa famille, avec laquelle elle n'a plus eu de contact depuis 8 ans.
57. Finalement, Charles prit les les choses en main. Il se rendit à à la Sureté de l’Etat, chez un certain Kanyabigega (A l’époque, tout le monde se connaissait à Kigali). « Si une dénommée Rose Murorunkwere trouve du travail à Kigali, ne pourrait-elle pas quitter Ruhengeri ? »
58. Le fonctionnaire consulta le dossier de Rose (car la jeune femme de 22 ans était bel et bien fichée ). Comme il était vide, il donna son accord. C’est ainsi que Rose démissionna de son travail d’enseignante et quitta « Mu Kinoni » et la région rurale de Ruhengeri.
59. Le départ de Rose fut facilité par le fait que les prêtres belges qui l’avaient assignée à son poste n’étaient plus au Rwanda. De plus, il y avait, dans l’école, davantage de monitrices issues de la région. Bref, on ne la retint pas, et elle retrouva une forme de liberté.
📌
De la conception à la naissance,
de l’enfance à l’âge adulte,
et de la vieillesse à la mort,
se construit puis se défait notre univers singulier et éphémère.
(Jean-Claude Ameisen)

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60. Mais Rose ne se rendit pas tout de suite à Kigali (à l’époque, les couples ne cohabitaient pas avant le mariage). Avec une de ses amies originaire du coin, elle loua un logement dans le centre-ville de Ruhengeri, « kw’Ibereshi », chez un certain Martin Rusabyangoga.
61. Plus tard, avec une autre amie, Rose se rendit à Kigali pour passer un examen chez Hatton & Cookson, une maison de commerce anglaise qui cherchait des employés éduqués.
(62. Créé à Liverpool dans les années 60, Hatton & Cookson était une factorerie, i.e. un de ces comptoirs commerciaux que les Occidentaux avaient coutume d'installer dans les territoires conquis, afin de « favoriser » le commerce des les régions avoisinantes).
63. Rose réussi l’examen, et commença à travailler chez Hatton & Cookson fin 1967. Charles, de son côté, avait fait des études d’électronique. Il devint mécanographe. Plus tard, il monterait une petite entreprise, Kigali-Meca, qu’il installerait dans le quartier commercial.
64. Rose et Charles se marièrent le 5 mai 1968.
65. Les deux jeunes gens, âgés de 23 et 27 ans, s'aimaient. Leur couple était heureux. Les amis de Charles l’enviaient d’avoir épousé une belle monitrice, et Charles était très fier de sa femme. « Il me donnait tout ce que je voulais », se rappellerait Rose, des années plus tard.
📌
Une femme parfaite, qui la trouvera ?
Elle est précieuse plus que les perles !
Son mari peut lui faire confiance :
il ne manquera pas de ressources.
(Livre des Proverbes 31 : 10-11)

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66. Rose et Charles voulaient fonder une grande famille. Dans les années 70, le taux de fertilité (naissance par femme) au #Rwanda était de 8 enfants.
67. Rose et Charles eurent 4 enfants, qu’ils dotèrent de prénoms originaux (pour le lieu et l’époque) :

1. William (né en 1969)
2. Wilson (né en 1970)
3. Degroot (né en 1972)
4. Hyacinthe (née en 1974)
68. Ils auraient aimé en avoir plus, mais les accouchements de Rose étaient toujours compliqués. De plus, la mortalité infantile était élevée. Ainsi, Rose dut ainsi faire face à la première d’une longue série de douleurs intimes : William, son premier-né, mourut en bas âge.
69. Rose et Charles appartenaient à la "petite" bourgeoisie urbaine. Charles étant entrepreneur et Rose n’ayant jamais cessé de travailler (sauf pour accoucher), ils n’étaient pas riches, mais ils parvenaient, vaille que vaille, à s'en sortir et à nourrir leur petite famille.
70. Charles était un des rares « techniciens » de Kigali, et il ne manquait pas de clients. Rose travaillait beaucoup aussi mais, parce que le #Rwanda est une société traditionnellement patriarcale, c’est sur Rose que reposait toute la charge de l’éducation de leur trois enfants.
71. Rose veillait sur ses enfants avec avec soin. C’était une femme merveilleuse ❤️, belle « inside and out »🌹. On la surnommait « Croix Rouge » : quand vs étiez dans le besoin, elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour vs aider, une qualité qu’elle tenait de son père Bayijahe.
📌
Une femme parfaite, qui la trouvera ?
Revêtue de force et de splendeur, elle sourit à l’avenir.
Sa bouche s’exprime avec sagesse et sa langue enseigne la bonté.

(Livre des Proverbes 31 )

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72. Rose transmit à ses enfants l’amour des autres, qu’elle avait reçu de son grand-père Batanuzire (qui se levait la nuit pour consoler sa petite fille), de sa grand-mère Nyiramukobwa (la femme « w’ingare » qui retirait sa petite-fille de l’internat quand elle était malade)...
73. …de son père Bayijahe (autoritaire mais juste qui, bien qu'issu d’une autre époque, sentait que les temps changeaient et voulait assurer l'avenir de ses enfants par l'éducation) et de sa mère Nyiratamba (femme humble « w’imfura cyane », qui veillait sur sa maisonnée).
74. Au fur et à mesure que ses trois enfants grandissaient, ils devinrent très proches d'elle. Elle entretenait avec eux une relation pleine de familiarité, ce qui n’était pas habituel entre parents/enfants de cette époque/génération (les rapports familiaux étaient hiérarchisés).
75. Wilson, Degroot et Hyacinthe lui racontaient tout, et ils avaient ensemble des discussions à bâtons rompus, qui se terminaient en fous rires. Les deux âinés Wilson et Degroot la chahutaient, ce qui agaçait parfois Charles : « Urabona ibintu uba uganira n’abana » grondait-il.
76. Rose était particulièrement proche de Hyacinthe, sa petite dernière, son unique fille. Chaque fois qu’elle se faisait siffler dans la rue (le #Rwanda était alors patriarcal, et l’ère #MeToo n'était pas encore advenue), l'adolescente courait rapporter les faits à sa mère...
📌
Sans que je puisse m'en défaire
Le temps met ses jambes à mon cou
Le temps qui part en marche arrière
Me fait sauter sur ses genoux

Nul ne guérit de son enfance 😥

(Jean Ferrat)

#LaVieDeRose #FamilleRwanga #Rwanda #Kwibuka25

📸 Hyacinthe Rwanga (circa 1991-1992)
77. Comme tous les #Rwanda-is, Rose et Charles avaient reçu, dès 16 ans, des cartes d’identité émis par leur commune d’origine, qui mentionnaient leur appartenance ethnique. Tous deux étaient répértoriés comme Tutsi. La carte de Rose précisait (au bic) même son clan : « Tsobe ».
(78. L’histoire de la partition ethnico-raciale du #Rwanda par les Belges mériterait un thread ou mieux : un essai. L’organisation socio-politique du royaume sur lequel régnait, depuis des siècles, la Dynastie des #Abanyiginya, était l’une des plus complexes de la région).
(79. Les Belges le reconnaissait volontiers mais, le système colonial étant basé sur la hiérarchie des races, ils ont accolés, par paresse/racisme, les théories racialistes du 19ème siècle à la société rwandaise (cfr « Essai sur l'inégalité des races humaines » de Gobineau).
(80. Des catégories sociales qui existaient furent « racialisés » et figées par les recensement de l’Administration coloniale belge. De plus, la vingtaine de clans que comptait le #Rwanda ancien, et qui transcendaient les groupes sociaux, furent littéralement passées à la trape).
(81. Les « #Tsobe » ou « #Abatsobe » sont l’un des ces clans. Ils avaient la particularité d’être le clan des « #Abiru », ces prêtres ou devins ritualistes qui étaient les gardiens de « #Ubwiru », le Code ésotérique sur lequel s'appuyait la dynastie des #Abanyiginya).
(82. Ce clan comprend 3 lignées :
1. #Ababyibushye
2. #Ababona : la lignée de Bayijahe, le père de Rose
3. #Abanyamuhungu : dont était issu le chef des #Abiru. Le dernier d'entre eux, #Gashamura ka #Rukangirashyamba, fut exilé au Burundi en 1925 par les Belges et l'Eglise).
83. En 1931, l'Administration coloniale belge recensa la population rwandaise, qu'elle divisa officiellement en 3 « ethnies » : Hutu, Tutsi, Twa). Bayijahe, le père de rose, fut recensé comme Tutsi, une « ethnie » qu'il transmettrait à tous ses enfants par voie patri-linéaire.
84. Cette partition, entérinée par la 1e République, inscrit dans la Constitution (1978) de la 2e République (quotas ethniques dans les écoles/l'emploi) aura, sur la vie de Rose, Charles, leurs descendants et des centaines de milliers de Tutsi, des conséquences incalculables.
📌
La race supérieure ne conquiert pas pour le plaisir,
dans le dessein d'exploiter le faible,
mais bien de le civiliser et de l'élever jusqu'à elle.

Jules Ferry (1838-1893), homme d'État français.

#laViedeRose #colonisation #Rwanda #Kwibuka25

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85. A cause de leur « ethnie», attestée par leurs cartes d’identité, Rose et Charles furent confrontés à des ennuis durant les années 70-80. Comme la plupart des Tuts du #Rwanda, ils étaient considérés comme des sous-citoyens , cont les droits étaient liés à des quotas ethniques.
86. Dans le meilleur des cas, ils furent en butte à des tracasseries administratives, à des entraves à l’emploi pour Rose, et à des discriminations lors de l’accès à l’école secondaire leurs enfants. Dans les cas les plus sérieux, ils furent soupçonnés, interrogés, emprisonnés.
87. Ainsi en 1973, lors de la vague de persécutions des Tutsi qui précéda la fin du régime de Grégoire Kayibanda, président de la 1e République , Charles fut arrêté. Quand il fut libéré, il reprit le cours de sa vie et continua à gérer sa petite affaire, comme si de rien n'était.
88. Puis vint le coup d’Etat militaire le 5 juillet 1973. Le nouveau président, le général-majour Juvénal Habyarimana, promit de rétablir « l’équilibre » ethnique et régional. Il mit en place un système officiel de quotas ethniques, et l’inscrivit dans la Constitution de 1978.
89. Rose et Charles commencent par être rassurés. Tout a l'air calme, constatent-ils. La situation va peut-être s'apaiser. Charles, optimiste de nature, appréhende l'avenir avec plus de sérénité. Rose, qui se souvient des événements de 1959, reste sur ses gardes et observe.
📌
La fausse sécurité est plus que l’alliée de l’illusion,
Elle en est la substance même.

Clément Rosset (Ecrivain et philosophe)

#laViedeRose #FamilleRwanga #Rwanda #Kwibuka25

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90. Comme toutes les familles de la petite bourgeoisie urbaine, Rose et Charles ont un boy, une boyesse et un zamu. Leurs enfants grandissent. L'éducation de leurs trois enfants est une priorité pour le couple, comme elle l'est pour cette première génération post-coloniale.
91. Rose n’a pas oublié la déception de son père Bayijahe, lorsqu’il fut retiré de l’école d'Astrida pour hériter de la sous-chefferie de son père. Elle se rappelle de la persévérance qu’il mettait pour apprendre à lire à sa mère Nyiratamba, à l'aide de panneaux alphabétiques.
92. Rose et Charles scolarisent leurs enfants à l’APE (Association des Parents d’Elèves) de #Rugunga, une école fondée par des parents de leur milieu, dont le point commun est d’être la première génération éduquée, soucieuse d'assurer l'éducation de leur progéniture. #APERugunga
93. En sortant de l’enfance, le caractères des enfants s'affirme. Wilson est un « manuel », qui deviendra technicien comme son père. Intello et féru des sciences, Degroot est la conscience politique de la famille. Les dispositions de Hyacinthe, eux, ne sont pas encore affirmées.
94. Tout ce qu’on sait de la fillette, c’est qu’elle a hérité du tempérament de son arrière grand-mère Nyiramukobwa (« ingare »), restée au #Rwanda après 1959, qu'elle voiit souvent. A l’APE Rugunga, tout le monde sait que Hyacinthe a un caractère bien trempé (« Ntavugirwamo »)
95. C’est là, à l’école primaire, que les enfants de Rose et Charles découvrent la notion d’«ethnie». Lors d’un recensement, l’institutrice les appelle à se lever selon leur «ethnie». ICet incident marquera, pour Wilson et Degroot, le début d'une prise de conscience politique.
📌
Le #tribalisme est la mauvaise herbe qui repousse les tribus.

Edith Boukeu (Journaliste camerounaise)

#laViedeRose #WilsonRwanga #DegrootRwanga #HyacintheRwanga
#ethnisme #racisme #Rwanda #Kwibuka25

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96. La fin des années 80, le Rwanda vit un tournant. Entre 1986 et 1989, Kigali bruisse de rumeurs. Pour commencer, le MRND, parti unique, annonce que les exilés de 1959 et 1973 ne peuvent pas rentrer sans conditions, le pays étant trop petit pauvre pour les accueillir.
97. En dehors des Cercles d'initiés, l’information passe presque inaperçue. Mais elle n’échappe pas à Rose (qui n’a pas vu sa famille depuis près de trois décennies), ce qui accentue son sentiment d'injustice et d'insécurité.
98. En1988, un colonel est assassiné. On dit qu’il aurait été tué sur ordre d'un autre militaire. Rose ne se sent pas concernée, car tout cela se passe entre les gens de l’ « Akazu » (l’entourage du président Habyarimana et sa femme). Pourtant, elle est de plus en plus inquiète.
99. Et puis, il y a la situation économique qui se dégrade. Les prix augmentent. Rose et Charles n'ont jamais été riches. L'entreprise de Charles marchait bien, Rose n’a jamais cessé de travaillé depuis ses débuts chez Hatton&Cookson. Jusque là, ils se débrouillaient bien.
100. A Kigali, il devient plus difficile de joindre les deux bouts. Rose, qui tient les comptes, voit sa famille s’appauvrir. Bref, l'économie s'effondre, le régime Habyarimana s’essouffle, et cet effritement parvint à Rose et à sa famille, via l'inflation et l'insécurité.
101. Or, pour l’avoir expérimenté en 1959, dans les années 60 et en 1973, Rose sait que, dès qu’il y a la moindre instabilité dans le pays, les Tutsi constituent les boucs émissaires tout désignés.
102. Mais, bonne nouvelle, Rose et Charles sont parvenus à contourner les quotas "ethniques" du Ministère de l'Education. C’est ainsi que Degroot a été admis au Lycée Français (créée par la Coopération française), section Maths-Physiques, où il est un excellent élève.
103. C’est en 1990 que la grande Histoire va rejoindre l’histoire de #laViedeRose. En juin de cette année-là, Erik Orsenna écrit le discours de la Baule, que François #Mitterrand prononce le 20 juin 1990, devant plusieurs chefs d’Etat Africains dont celui du #Rwanda.
104. #Mitterrand annonce que l’Aide française au dépt sera soumise à un impératif de la « démocratisation » (i.e. organisatin d’élections). De retour au #Rwanda, #Habyarimana annonce, sans détails, un « Aggiornamento » politique et une ouverture « possible » au multipartisme.
📌
Le vent violent de l'histoire,
Allait disperser à vau-l'eau,
Notre jeunesse dérisoire,
Changer nos rires en sanglots.

(Jean Ferrat )

#laViedeRose #FamilleRwanga #Rwanda #Kwibuka25

(A demain, même rue, même heure)
105. Le 1 octobre 1990, le Front Ratriotique Rwandais (#FPR) fait une incursion dans le Nord-Est, à la frontière avec l’#Uganda. Né en 1987, le mouvement a été créé par les exilés de seconde génération dont les parents, tel Bayijahe, ont du quitter le #Rwanda entre 1959-1973.
106. Ce sont ces mêmes exilés auxquels le régime de #Habyarimana a dit, quelques années auparavant, que le #Rwanda était trop petit/pauvre pour les accueillir. Ils se surnomment eux-même «#Inkotanyi » (ceux qui se battent avec courage) et ils sont bien décidés à rentrer chez eux.
107. Bien que Rose ne le sache pas encore, l’un de ses plus jeunes frères, nés en Uganda après l’exil, se trouve parmi les troupes du #FPR. Si elle ne l’a pas connu de son vivant, elle ne le rencontrera jamais, car il mourra sur le front, dans les derniers jours de la guerre.
108. Trois jours après l’attaque du #FPR, dans la nuit du 4 au 5 octobre, le régime #Habyarimana fait tirer des coups de feu dans la ville de Kigali. On fait croire à la population urbaine et au pays tout entier qu’il s’agit tentative d'assaut donné par le FPR sur la capitale.
109. Plus tard, il s’avèrera que cette attaque n'était qu’un simulacre, qui devait servir de prétexte à l’arrestation de ceux qui « dérangent le régime : opposants, journalistes mais aussi et surtout les Tutsi. Ces derniers seront ainsi désignés comme des ennemis « par essence ».
110. Accusées d’être « #Ibyitso » (sobriquet sous lequel le régime désigne ceux qu’ils considèrent comme « complices » du #FPR), 8.000 personnes sont arrêtées. Elles passeront des mois en prison où elles seront sont mollestées, parquées dans les stades, puis mises en prison.
111. La rapidité et la précision avec laquelle les « #Ibyitso » sont identifiés illustre le degré de fichage (en particulier « ethnique ») de la population #rwanda-ise. Il augure aussi de la rapidité et de la cadence avec laquelle le génocide des Tutsi sera mis en œuvre.
112. Charles, le mari de Rose, est arrêté. Comme la plupart des « Ibyitso » il passera des mois au Stade puis en prison. Ses fils Wilson et Degroot observent la situation. Agés de 18 et 20 ans, ils comprennent désormais à quoi ils sont confrontés, sans en mesurer la portée.
113. En mars 1991, un cessez le feu est signé entre le #FPR et les #FAR (Forces Armées Rwandaises. La plupart des « Ibyitso » emprisonnés depuis octobre 1990 sont libérés. Plus tard, le régime #Habyarimana reconnaîtra 8.047 arrestations.
114. Charles est relâché, mais son arrestation constitue un tournant. Elle renforce la conscience politique de ses fils, déjà eveillée par les discriminations. Degroot dira un jour, lors d’une discussion politique avec d'autres jeunes : « Ebana, njyewe ndi #Inkotanyi nta kindi ».
115. Mais Rose, elle, n'est pas dans l’effervescence. Contrairement à son mari et à ses fils, remontés par l'injustice subie, elle est sur ses gardes. Dans l’esprit de la mère de famille de 45 ans, qui a derrière elle 3 décennies de persécution, tous les signaux sont au rouge.
📌
La liberté politique ne consiste point à faire de que l’on veut.

(Charles de Secondat, baron de #Montesquieu )

#laViedeRose #RoseEtCharles #Ibyitso #Rwanda #Kwibuka25

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116. L’arrestation de Charles modifia, pour le pire, la situation de sa famille. Entre octobre 1990 et avril 1994, Rose et lui seront plusieurs fois arrêtés, sous les yeux de enfants. Ensemble ou séparément, ils seront interrogés par la police/sureté en tant qu’« ibyitso ».
117. Les tribulations judiciaires de la famille vont signaler Rose et Charles à un voisinage déjà très hostile. Outre les « Interahamwe », qui pullulent dans leur quartier (« Kiyovu cy’Abakene ») semi-populaire, ils ont pour voisins des réfugiés Burundais revanchards.
(118. Milice extrémiste Hutu, créée en 1992 par le #MRND, parti unique du président Juvénal #Habyarimana, « Interahamwe » signifie : « ceux qui travaillent ensemble ». Forte de 50.000 hommes, cette milice est responsable de la plupart des massacres pendant le génocide en 1994).
119. Le quartier de Rose et Charles fait partie de la cellule de #Rugenge. A partir de 1993, elle est gérée par Angeline #Mukandutiye, ancienne inspectrice du travail originaire de la même commune que #Habyarimana, dont elle a épousé un des parents, un dénommé Jean Sahunkuye.
120. Angéline #Mukandutiye est une milicienne connue. On la surnomme « La diabolique ». Mère de 5 enfants, elle est responsable des « Interahamwe » de #Rugenge, qu'elle supervise. Elle connaît tous les Tutsi et les opposants de sa cellule, qu’elle harcèle avec constance.
121. #Mukandutiye est secondée, dans sa tâche par la Conseillère Odette #Nyirabagenzi, autre milicienne renommée . Notez que ces deux femmes ne furent jamais inquiétées par la justice. Après un passage dans les camps de réfugiées du #Congo, elles se sont évaporées dans la nature.
122. Pour la petite histoire, Angélique #Mukandutiye fut même employée par une ONG « humanitaire ». Réfugiée dans le camp de réfugiés #Katale, au Nord de #Goma, elle avait été engagé pour s’occuper des personnes « traumatisés par la guerre ». odihpn.org/magazine/women…
123. Dans cet environnement hostile, la perception de Rose sur la situation des siens est d'une extrême lucididté. Si son mari, éternel optimiste, reste convaincu que « tout finira par s’arranger", Rose sent le vent tourner. Elle a le pressentiment d’un grand malheur.
124. Mais quand elle en parle, Charles la rabroue. Faisant référence aux politiciens de l’opposition de l’époque, il dit : « Es-tu Ngango ? Es-tu Nzamurambaho ou Gafaranga ? Pourquoi veux-tu qu’on s’en prenne à toi ? ». Leurs 3 enfants écoutent, rassurés par les propos du père.
125. Wilson, devenu technicien, travaille déjà. Degroot est encore à l’Université. Désormais adultes, les deux jeunes gens adorent leur mère, mais ils ne la prennent pas toujours au sérieux. Mais Rose persiste et signe. Elle veut quitter le pays, mais personne n'entend ses peurs.
126. Ses fils, qui ont fait leur l'optimisme paternel, font remarquer : « Enfin maman, les réfugiés se battent pour rentrer au #Rwanda, et toi tu veux qu’on quitte le pays ? ». Pourtant, personne dans leur famille ne perçoit mieux la gravité de la situation comme Rose. Personne.
📌
N’écoutez les conseils de personne,
Sinon le bruit du vent qui passe,
Et nous raconte l’Histoire du monde.

Claude Debussy (1862-1918), compositeur français

#laViedeRose #RoseEtCharles #Ibyitso #Rwanda #Kwibuka25

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127. Fin 1993 - début 1994. Quelques mois auparavant, Melchior Ndadaye, le président du Burundi voisins, a été assassiné, ce qui a conduit des milliers de Burundais à se réfugier au #Rwanda. Beaucoup se sont se sont installés à Kigali, où l'ambiance est devenue électrique.
128. Dans le quartier de Kiyovu cy ‘Abakene, l’agressivité des voisins et des Burundais est telle Rose vit désormais dans une terreur constante. A son angoisse s’ajoute le désespoir et la frustration de ne pas parvenir à faire comprendre à sa famille son funeste pressentiment.
129. La terreur de Rose se transforme en panique lorsque la #RTLM commence cite le nom de son mari Charles, un homme qui, à aucun moment de sa vie, ne s’est mêlé de politique. Entre 1993 et 1994, le nom de #CharlesRwanga sera cité à plusieurs reprises par la #RadioMachette.
(130. La Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM) - appelée aussi Radio Machette, était une station de radio qui émis du 8 juillet 1993 au 31 juillet 1994. Elle fut l’un des instruments de propagande dans l’exécution du génocide perpétré contre les Tutsi du #Rwanda).
131. L’un des rôles de la #RTLM était de désigner « l’ennemi ». Signalée à la vindicte générale, la famille de Rose devient une cible. Quand ils rencontrent #Mukandutiye, elle les saluent poliment. Puis elle envoit ses #Interahamwe les harceler, jusqu'à leur domicile.
132. La peur de Rose croît au point de devenir bientôt obsessionnelle. Le moindre attroupement, le moindre mouvement de foule la terrifie. Coincée entre l’hostilité des voisins et la « surdité » des siens, la mère de famille se sent impuissante et oppressée.
133. Alors un jour, Rose quitte son foyer. Dans l’espoir de se faire mieux entendre, elle se rend chez un de ses cousins germains, un #musulman qui habite #Nyamirambo. Rose est convaincue que les musulmans font montre de plus d’amour entre eux et envers leurs semblables.
(134. #Nyimarambo est un quartier populaire de Kigali, à majorité musulmane. Dans ce coin très urbain, les maisons mitoyennes sont serrées les unes contre les autres, et les enclos séparés par « icyanzu », une porte découpée entre deux clôtures, reliant deux maisons/familles. )
135. Rose se rappelle que, quelques mois auparavant, suite aux troubles générés par la mort de #Katumba, les #musulmans de #Nyamirambo se sont montrés solidaires avec ceux d’entre eux qui étaient recherchés (contrairement aux chrétiens), mais aussi avec les cibles non-musulmanes.
(136. Alphonse Ingabire, a.k.a. #Katumba, était un milicien responsable des « Impuzamugambi », une autre milice fondée par la Coalition pour la Défense de la République et de la démocratie ou CDR, parti extrémiste Hutu. Il habitait #Nyamirambo et il fut assassiné en mars 1993).
(137. Après la mort de #Katumba, un climat délétère régnait à #Nyamirambo et dans la ville de Kigali. Les « Interahamwe » et les « Impuzamigambi » se mirent faire exploser des grenades dans les quartiers et à harceler la population, au point que certains habitants déménagèrent.
138. Les miliciens pourchassaient en priorité les « #ibyitso». Pour les protéger, les #musulmans les cachaient. Puis, quand les miliciens arrivaient pour fouiller la maison, ils se les repassaient d'enclos en enclos, en les faisant passer d’un enclos à l’autre, via « icyanzu »).
139. Ces détails, Rose les connaissait grâce à son cousin. De plus, elle savait que beaucoup de musulmans avaient des femmes Tutsi (✍🏾 : c’est Rose qui le disait, on n’a pas fait de statistiques « ethniques »). Son cousin, qui comprenait ses peurs, l’accueillit à bras ouverts.
140. Charles ne s’inquiétait pas trop de la désertion de sa femme : il connaissait le cousin germain de Rose, et il savait qu’elle se trouvait là-bas. Mais, au bout de quelques jours, ne la voyant pas revenir, il perdit patience. Furieux, il envoya ses enfants ramener leur mère.
141. Les enfants débarquèrent, et pressèrent leur mère de rentrer. « Papa n’aime pas cette situation », firent t-ils remarquer. Ils étaient décidés à la ramener avec eux. Mais le cousin de Rose s’y opposa, et envoya chercher leur père. Convoqué, Charles arriva, plutôt furieux.
142. Le cousin de Rose tenta de sermonner son beau-frère, entre hommes. Il lui rappela que la #RTLM citait régulièrement son nom, le désignant à la vindicte générale comme une cible. « Puisque tu n’es ni un riche, ni un opposant politique, pourquoi crois-tu qu’ils te citent ? ».
143. Par là, il voulait faire comprendre à Charles que, s’il était une cible, c’est parce qu’il était Tutsi. Il lui expliqua que Rose était malheureuse, parce qu’elle se retrouvait seule face à ses peurs pour elle, mais aussi pour sa famille. Mais Charles ne voulut rien entendre.
144. Claquant la porte, il alla fumer dehors pour se calmer. Puis il ordonna à sa femme de prendre ses affaires et de rentrer avec lui. En bonne épouse, Rose obéit. La famille rentra dans sa maison de Kiyovu, cernée par l’hostilité des voisins et l'agressivité des Burundais.
145. Plus tard, Rose dira que sa « fuite » fut sa manière de se débattre alors qu’elle était à l’agonie ( « kurashya imigeri ») : « Je percevais ce qui se préparait. En mon fort intérieur, j’étais déjà morte depuis longtemps » (« Icyo ntumvaga n’iki, ko nari narapfuye kera ? »)
📌
On nous a chassés et pourchassés :
nous ne pouvons plus aller sur nos places.
Notre fin approche, nos jours sont comptés ;
notre fin est arrivée.

(Lamentations de Jérémie 4 :18)

#laViedeRose #RoseEtCharles #Ibyitso #Rwanda #Kwibuka25

(A demain, même rue, même heure)
146. Venons-en à cette funeste période durant laquelle le destin de Rose et des siens bascula dans les ténèbres. Le 6 avril 1994, lorsqu’elle apprend la mort de #Habyarimana, Rose est à la maison avec ses trois enfants, une nièce de Charles qui vit chez eux et les domestiques.
147. Wilson, qui a 24 ans et qui travaille déjà, vit chez ses parents. Comme ce sont les vacances, Degroot, 22 ans, est rentré de l’université. Croyant que la mort de #Habyarimana signe la fin de l'insécurité, ils s’exclament : « Maman, l’autre-là, il s’est fait buté ».
148. Charles, parti boire un coup dans un bar du quartier, rentre chez lui à la hâte, aussi surexcité que ses fils : « L’autre abruti s’est fait descendre ». Comme ses fils, il est lassé de l'insécurité/des persécutions, et il est convaincu que la situation va enfin s’arranger.
149. « Comment peux-tu t’exprimer de manière puérile, comme tes enfants ? Nous allons être décimés ». Pensant que sa femme exagère, comme d'habitude, Charles rétorque : « Mais quel est ton problème ? Pourquoi parles-tu tout le temps de mort ? (« Aliko upfana iki n’urupfu ? »).
150. Mais, le lendemain, le quartier gronde. Des barrières sont installées, et Charles commence à se rendre compte de la gravité de la situation. Un voisin du nom de Nsengiyumva débarque chez les Rwanga, et commence à énumérer les politiciens de l’opposition qui sont déjà morts.
151. « Ngango est déjà mort. Nzamurambaho aussi. Gafaranga est mort. Beaucoup de gens vont mourir, conclut-il. Les gens du quartier sont en train de remonter vers l’Eglise de la Sainte-Famille pour s’y réfugier. Vous aussi, vous devriez partir. Fuyez » conseille le voisin.
152. La famille alla d’abord se cacher chez un voisin, mais aucune maison n'est sûre, car le quartier grouille de miliciens. Le 9 avril 1994, Rose, ses enfants et la nièce de Charles qui vit avec eux, se décident à partir, et remontent vers l’Eglise de la Sainte Famille.
153. A ce stade du récit, il est important de visualiser la situation des lieux. Le quartier où vit Rose et sa famille (Kiyovu cy’Abakene) se trouve en dessous du Grand Rond-Point , au versant d’une colline sur laquelle sont construits plusieurs bâtiments religieux rapprochés.
154. Ces 4 bâtiments catholiques sont :
−L’Eglise Sainte-Famille (Père Wenceslas Munyeshyaka)
−Le Centre pastoral Saint-Paul (Père Célestin Hakizimana)
−Le CELA ou Centre d’Etudes des Langues Africaines (Pères Blancs)
−L’Orphelinat des Sœurs de Calcutta (Sœurs de la Charité)
📌
Ils proclament qu’ils connaissent Dieu mais, par leurs actes, ils Le rejettent,
abominables qu’ils sont, révoltés, totalement inaptes à faire le bien.

(Lettre de Saint-Paul à Tite 1:16)

#laViedeRose #Rwanda #génocide #100jours #Kwibuka25

(A demain, même rue, même heure)
155. Lors des périodes d’insécurité, les Tutsi se rassemblaient dans les églises/autres lieux de cultes, une habitude qu’ils avaient prise en 1959 et lors des pogroms des années 60. En effet, les églises et les missions catholiques étaient préservées par les bandes de tueurs.
156. De plus, les tueurs s’en prenait rarement aux enfants et aux femmes. Société patriarcale oblige, la vie d’une femme, hors de la maternité, n’avait que peu de valeur, et seuls les hommes en âge de combattre étaient visés.
157. Parce qu’ils avaient gardé cette époque en mémoire, les Tutsi se réfugièrent dans les églises. Mais cette stratégie de survie ne fonctionna pas en 1994. Bien au contraire, elle facilita le travail des tueurs en regroupant les cibles, et les églises devinrent des charniers.
158. Nous sommes le 9 avril 1994. Dans leur fuite vers l'Eglise de la Sainte Famille, Rose et ses enfants s’arrêtant au Centre d’Etudes des Langues Africaines (CELA) géré par les Pères Blancs, l'un des lieux où se sont réfugiés plusieurs familles des quartiers environnants.
159. Mais le 12 avril 1994, alors que les réfugiés continuent à affluer, les Pères Blancs qui gérent le CELA abandonnent le navire. Charles, resté d’abord caché i, rejoint sa famille. Jusque là, il est convaincu qu'il est le seul membre de sa famille en danger, car le seul homme.
160. Avant de quitter leurs bâtiments et d'abandonner les personnes réfugiées chez eux à leur sort, les Pères Blancs du CELA prennent soin de laisser les clés des lieux à un homme de confiance: le père Wenceslas #Munyeshyaka, curé de l’Eglise de la Sainte-Famille.
📌
Vous n’avez pas rendu des forces à la brebis chétive,
soigné celle qui était malade, pansé celle qui était blessée.
Mais vous les avez gouvernées avec violence et dureté.

(Livre d’Ezekiel 34:4)

#laViedeRose #Rwanda #100jours #Kwibuka25

(A demain, même rue, même heure)
161. Les réfugiés du quartier où vit la famille de Rose, mais aussi des quartiers alentour continuent à affluer au #CELA, malgré l'abandon des lieux par les Pères Blancs. Au début, toutes les personnes du voisinage qui se sentent menacées quittent leurs maisons pour s'y réfugier.
162. D’une centaine lors de l’arrivée de Rose et de sa famille, le nombre de réfugiés finit par atteindre 500 le 21 avril 1994. Certains y déposent leur famille, avant de retourner chez eux à la hâte (#Mukandutiye a fait savoir que si on abandonne sa maison, elle serait pillée).
163. Mais, au fur et à mesure que les jours passent, les réfugiés du #CELA comprennent qui est la cible des massacres en cours : les #Tutsi, que les #Interahamwe appellent #Inyenzi (i.e. cafard, terme qui, depuis le début des années 60, sert à désigner/déshumanier les #Tutsi).
164. Ceux qui ne se sentent pas visés quittent peu à peu les lieux. A la fin, il ne restera au #CELA que des hommes, des femmes et des enfants comme la famille de Rose, auxquels s’ajoutent quelques opposants politiques notoires et bien identifiés.
165. Dans ce tumulte, les #Rwanga ont peur, mais leur état d’esprit est différent d’un membre de la famille à l’autre. Ainsi, pensant être le seul en danger puisqu’il est l’homme de la famille, Charles se cache, comme d’autres hommes, quelque part dans les bâtiments du #CELA.
166. Wilson et Degroot n’ont pas conscience de la gravité du risque qu’ils courent. Face aux #Interahamwe, ils pensent que c’est leur père (dont le nom a été cité maintes fois par la #RTLM) qui est concerné. Même Hyacinthe, que la présence de sa mère rassure, est confiante.
167. Seule Rose - qui a connu les persécutions de 1959, l'exil des siens, les pogroms, les arrestations, les interrogatoires, l’identification comme #ibyitso, les harcèlements des voisins/#Interahamwe - a pleinement conscience de la tournure dramatique que prend leur situation.
168. Mais si Rose est littéralement terrifiée - ainsi, elle est convaincue que les hommes, dont son mari Charles, sont perdus - elle a encore l’espoir de sauver ses trois enfants.
📌
Le plus difficile dans la #maternité
c'est cette inquiétude intérieure
que l'on ne doit pas montrer.

Lady Diana (1961-1996)

#laViedeRose #Rwanda #Kwibuka25

🌿 Bonne fête des mères, Rose🌹🌿 #MothersDay

(À demain, meme rue, meme heure)

Rose Murorunkwere💖 (après 1994 )
169. Du 7 au 21 avril 1994, 500 réfugiés arrivent au #CELA. Au début, tout le voisinage fuit l'insécurité des quartiers. Mais, comprenant qu’ils ne sont pas visés, les #Hutu rentrent chez eux. Il ne reste, sur les lieux, que les #Tutsi et les opposants politiques notoires.
170. Rappelez-vous de la configuration des lieux (Tweet 154). Deux lieux vont un rôle majeur dans l'itinéraire de Rose et de sa famille :
−Le CELA, où la famille se réfugie du 9 au 22 avril 1994.
−L’Eglise de la Sainte-Famille (située à 200 m du #CELA)
171. Mais il convient aussi de citer le #CentrePastoraSaintPaul, qui a joué un rôle majeur dans le sort des réfugiés de cette zone. Situé en contrebas, sur le Boulevard de l’OUA, il est dirigé par l'Abbé Célestin #Hakizimana, un prêtre catholique qui sauvera de nombreuses vies.
172. Sur le boulevard de l’OUA, se trouve un restaurant éthiopien, ainsi que le lieu dit du « Péage », où a été érigée l’une des barrières les plus féroces de la ville. Cette barrière est située non loin du domicile de Pascal #Simbikangwa, qui la fournit régulièrement en armes.
(173. Barrières: barrages routiers érigés dès le 6 avril 1994, à l'annonce de la mort du président #Habyarimana, par les FAR (Forces Armées Rwandaises) mais aussi par les milices et mêmes des civils. Il y en avait sur les routes, dans les croisements et même dans les quartiers).
(174. C’est sur l’installation de ces « barrières » sur les voiex publiques, ainsi que sur les l’organisation de patrouilles (#irondo), que ce sont appuyés les massacres systématiques des #Tutsi du #Rwanda, mais aussi les #viols, les #tortures et les #pillages des #Interahamwe).
(175. Sur ces « barrières », se tiennent des #Interahamwe, des militaires des #FAR et, dans certains quartiers comme #Rugunga, des membres de la Garde Présidentielle. Le filtrage de la population se fait sur un critère : la mention de l'« ethnie » dans la carte d’identité).
(176. En dehors des opposants politiques notoires, l’«ethnie» est THE critère de sélection de l’«ennemi». Ainsi, un homme bien connu et ses fils, dont la carte d'identité porte la mention Hutu, seront tués en tentant de quitter #Kigali, parce qu'ils mesurent plus de deux mètres).
177. Mais, revenons à notre Rose, toujours coincée, avec son mari, ses enfants et des centaines d'autres personnes, dans le #CELA. Les réfugiés ont reçu de la @CroixRouge, des kilos de haricots rouges qu'ils préparent dans la cuisine des Pères Blancs, partis vers d'autres cieux.
178. Entre le 7 et le 21 avril 1994, le #CELA subit plusieurs attaques en provenance des quartiers/du #Péage. Les réfugiés s'organisent pour se défendre. L’Abbé Wenceslas #Munyeshyaka se joint parfois à ceux du #CELA mais, aux dires des réfugiés, c'est pour mieux les espionner.
(179. #Munyeshyaka est un prêtre accusé (entre autres par Rose) d’avoir organisé le massacres des #Tutsi réfugiés dans sa paroisse. Réfugié à Goma, il a signé, le 02/08/1994, une lettre adressée au Pape Jean Paul II, qui niait le génocide des #Tutsi fr.wikipedia.org/wiki/Wenceslas…)
📌
Ceux qui se sont adaptés à tout ont survécu,
mais la majorité n’en a pas été capable et en est morte.

Primo Levi, rescapé de la #Shoah (1919-1987)

#LaViedeRose #FamilleRwanga #Rwanda #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
180. Le vendredi 22 avril 1994 constitue un tournant majeur dans la vie des réfugiés du #CELA et dans celle de Rose. Un jour qui, pour la femme de Charles et la mère de ses enfants, s’étirera sur le reste de sa vie. Pour cela, nous allons y consacrer plus que quelques tweets.
181. Flash back. Après le début du génocide et la mort des 10 Casques bleus belges de la #MINUAR qui protégeaient la première ministre Agathe #Uwilingiyimana, le premier réflexe des Occidentaux est, comme d’habitude, d’évacuer leurs ressortissants. fr.novopress.info/162133/il-y-a-…
182. Le 9 avril 1994, commencent deux opérations organisées de concert : la française #Amaryllis et la belge #SilverBack : 300 parachutistes français prennent le contrôle de l’Aéroport de Kigali et Bruxelles déploie 600 parachutistes.
183. Le but de ces opérations est de rapatrier les ressortissants belges, français, occidentaux, dans l’ordre. A quelques exceptions près, les Rwandais sont exclus. Ainsi, les Belges de la #MINUAR abandonneront à la mort des milliers de civils à l’#ETO et à l’Hôpital de #Ndera.
184. Cfr les témoignages donnés par les rescapés au @Shoah_Memorial : " les soldats Belges et francais sont venus trier tous les Blancs, et les couples mixtes, les enfants metis et tout ce qui avait un rapport avec les Blancs..." #Kwibuka25
185. Mais les militaires français de l’opération #Amaryllis n’oublieront pas d’évacuer la veuve de #Habyarimana , Ferdinand #Nahimana, fondateur de la #RTLM (Tweet 130), Félicien #Kabuga, financier du génocide et autres MRND compatibles.
laregledujeu.org/2016/11/27/301…
186. Ces mêmes militaires français abandonneront les #Tutsi à leur sort, y compris ceux qui étaient employés par leur pays (Tweet 184 : le témoignage de Vénuste #Kayimahe, employé depuis vingt ans par le Centre Culturel Franco-Rwandais, qui abandonné malgré ses supplications).
187. Les opérations prennent fin le 14 avril 1994. Le 16 avril, le Gouvernement belge décide, à son tour, de retirer ses troupes (780 hô) de la #MINUAR. Le 21 avril, le Conseil de Sécurité de l'@UN réduit de 2.500 à 270 l'effectif de la #MINUAR (résolution n° 912). @RwandaUN
188. A cette date, le génocide des #Tutsi bat son plein, mais ils sont désormais seuls face aux milices armées. Ce même jour, les #Interahamwe décident de lancer une attaque « finale » contre le #CELA et Saint-Paul, sensés abriter #ibyitso, parmi lesquels Rose et sa famille.
📌 
Urakarindira Loni
(Puisses-tu attendre en vain l’ONU)

(Avant, je croyais que ma mère avait inventé cette expression. Mais elle date de l'époque où le parti UNAR croyait que l’@UN résoudrait les problèmes du #Rwanda)

#LaViedeRose #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
189. Au #CELA, les réfugiés sont désemparés. Le soir du 21 avril 1994, #Munyeshyaka rend visite au « zamu » (gardien de nuit) et lui enjoint de quitter les lieux : « Je ne veux pas te voir ici demain, il y aura des visiteurs importants. Tu prends tes affaires, et tu dégages ».
190. Sur le conseil d’un des réfugiés, qui a travaillé pour un organisme des droits de l’homme, un homme fait la liste des personnes présentes, au cas où. Dans la foulée, arrivent de nouveaux réfugiés, mais ils n’inspirent pas confiance : on les soupçonne d’être venus espionner.
191. Tous ces petits événements amènent les réfugiés les plus vigilants, parmi lesquels Rose, à subodorer une attaque plus importante que les précédentes. Charles, qui pense que seuls les chefs de famille sont visés, reste terré quelque part dans le bâtiment, loin de sa famille.
192. Le 22 avril 1994 au matin, des civils du secteur #Rugenge munis de machettes, arrivent au #CELA. Ils viennent, sur ordre d'Angélique #Mukandutiye, pour débrouissailler les alentours du bâtiments, où sont plantés des bananiers, mais aussi des goyaviers (« ibiti by'amapera »).
193. Officiellement, ce débrouissallaige est censé aider à débusquer « #inyenzi » (les cafards) qui se cacheraient dans ces bananiers et goyaviers. Mais, en réalité, il s’agit bien, en préparation d’une attaque du #CELA, de parer à toute possibilité de fuite des réfugiés.
194. Car, à l’aube de ce même vendredi du 22 avril 1994, Tharcisse #Renzaho, le préfet de la ville de #Kigali, a débarqué chez Angélique #Mukandutiye, dont le domicile sert de siège aux #Interahamwe du secteur #Rugenge.
195. Le préfet #Renzaho est arrivé à bord d’une camionnette Hilux rouge de la Garde Présidentielle, escorté de militaires et de gendarmes, et s’est engouffré dans la maison pour une réunion avec #Mukandutiye et quelques uns de ses Miliciens.
196. Entretemps, d'autres #Interahamwe ont déchargé la camionnette, dont l’arrière contenait des armes : Kalachnikov, munitions, grenades. Elles ont été apportées dans la maison de #Mukandutiye, et des armes plus légères étaient distribuées aux miliciens restés à l'extérieur.
197. Après la réunion – qui a duré peu de temps –, tout le monde est ressorti dans la cour. L'ambiance, effervescente, était aux préparatifs. En présence du #Renzaho, #Mukandutiye a donné l’ordre aux miliciens de monter vers le #CELA, où le préfet et elle allaient les rejoindre.
📌
Tu entends leurs insultes, Seigneur, tous leurs complots contre moi,
les propos de mes agresseurs et leurs murmures contre moi tout le jour
(Livre des Lamentations 3 :61-64)

#LaViedeRose #FamilleRwanga #Igitero #Rwanda #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
198. A 9h00 du matin, le premier groupe d’#Interahamwe arrivé sur les lieux demande aux réfugiés du #CELA de sortir. Un des miliciens se tient à la porte, une grenade à la main, et aboie des ordres. Les autres extraient les réfugiés du bâtiment, parfois en les brutalisant.
199. Dans la cour, les hommes sont séparés des femmes et des enfants. On ordonne aux hommes de s’asseoir, mais les femmes et les enfants restent debout. Les #Interahamwe, sont plus nombreux que les réfugiés – au moins 600 hommes présents ce jour-là – les moquent et les insultent.
200. Rose et ses enfants sont sortis avec les autres réfugiés. Hyacinthe, effarée, ne quitte pas sa mère d’une semelle, mais celle-ci s’inquiète davantage pour ses fils. Wilson et Degroot, assis sur le sol, sont inquiets, mais ils ne mesurent pas encore ce qui se passe.
201. Charles et d’autres hommes manquent à l’appel. En voyant arriver les miliciens, certains se sont cachés dans la chapelle, d’autres dans la cuisine , ou se sont éparpillés ans les recoins du bâtiment. Certains hommes, comme Charles, croient encore être les seuls visés.
202. C’est alors qu’arrive, par le portail du #CELA, le préfet de la ville de #Kigali accompagnés de #Mukandutiye et #Nyirabagenzi, mais aussi de militaires, de gendames et de militaires. D’après Rose, le père #Munyeshyaka, curé de la Sainte-Famille, est également présent.
203. Rose reconnait Renzaho : le préfet est de Kibungo, la même région que Charles. Tout ce beau monde est arrivé dans une camionnette. Deux véhicules blindés sont présents. Plus loin, assis dans une camionnette, la Garde Présidentielle observent le déroulement des événements.
204. Tout est en place pour le début du tri des réfugiés du #CELA, sous la supervision du préfet de Kigali, des chefs des miliciens de #Rugenge, ainsi que les huées et les insultes des #Interahamwe.
📌
Je dois dire que, de plus en plus, je suis un peu inquiète par ce mélange
(entre camps de déportation et d’extermination).
Nous étions destinés à mourir.

Simone Veil (rescapée de la Shoah)

#LaViedeRose #FamilleRwanga #Rwanda #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
205. Vendredi 22 avril 1994, 10h00 du matin, jour de la #rafle des #Tutsi au #CELA. Le préfet de Kigali, Tharcisse #Renzaho, est toujours sur les lieux, avec Angéline #Mukandutiye, Odette #Nyirabagenzi, ainsi qu’une horde d’#Interahamwe, près de 600 hommes armés jusqu’aux dents.
206. Dans la cour, une quarantaine d’hommes et de jeunes gens sont assis par terre. Parmi eux, Wilson et Degroot, les fils de Rose. Ils sont frappés, insultés et traitepar les miliciens, pendant que d'autres fouillent le #CELA à la recherche des réfugiés qui manquent à l’appel.
207. La horde de miliciens est menée par des #Interahamwe en armes bien connus : #Nkeshimana, Fidèle #Castar, #Bwanakweri et Faustin #Rwagatera, partis au #CELA en éclaireurs . Mais les troupes sont composés d'hommes du secteur #Rugenge, voisins de ceux qui sont cachés au #CELA.
208. Lorsque des réfugiés sont débusqués des lieux du bâtiment où ils se sont cachés dans l’espoir d’échapper à la #rafle, ils sont sortis manu militari. Et quand les #Interahamwe reconnaissent un voisin qu’ils recherchent depuis le début du génocide, ils crient et applaudissent.
209. A l’entré du bâtiment, un #Interahamwe leur tient la porte, une grenade dans l'autre main. Il les regarde passer, l’air féroce. Au fur et à mesure qu’ils sortent, ils sont identifiés par #Mukandutiye et #Nyirabagenzi, qui connaissent bien les habitants du Secteur #Rugenge.
210. Dans l’autre file, les femmes restent debout, tétanisées. Les enfants ne pleurent plus. Rose et Hyacinthe regardent les miliciens trier les réfugiés, avec lesquels ils ont de passer deux semaines dans la peur de ce qui est en train de se dérouler sous leurs yeux : une #rafle
211. Les heures passent, le temps semble suspendu. Bien qu’il fasse une chaleur de plomb, Rose ne sent pas les rayons du soleil frapper sa tête, tant son cœur est ténaillé par l’angoisse. Charles s'est si bien caché qu'il manque toujours à l’appel.
212. Mais ce n’est pas pour Charles que Rose a peur. Compte tenu de la situation, elle a déjà admis que son mari était perdu. Non, elle a peur pour ses deux fils, Wilson (24 ans) et Degroot (22 ans). Assis dans l’autre file, avec leurs voisins, ils attendent. Rose est terrifiée.
📌
“S'il fallait l'étoile jaune pour reconnaître les Juifs sous l'Occupation,
c'est donc qu'ils n'étaient pas si différents
que le prétendait la propagande nazie.”

― André Frossard (académicien)

#LaViedeRose #FamilleRwanga #rafle #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
213. A l’arrivée au #CELA, le préfet de Kigali, Tharcisse #Renzaho, a remis à Angéline #Mukandutiye, chef des Interahamwe du Secteur #Rugenge, une liste de personnes à selectionner parmi les réfugiés du #CELA. Il l’au autorisée à « choisir elle voulait amener ».
214. Le tri ne concerne les hommes, le préfet ayant demandé de ne pas s’en prendre aux femmes/enfants. Mais le même #Renzaho suggère aux miliciens de ne pas attaquer tout de suite le #CELA. Il faut, dit-il, agir de façon intelligente, car ils sont observés par les satellites.
215. Devant les hommes assis dans la cour, #Mukandutiye procède à l’appel. Sur les noms consignés sur la liste, celui de Charles Rwanga, le mari de Rose, arrive en premier. Rien d’étonnant si on se rappelle qu'il était régulièrement cité par la #RTLM (cfr Tweet 130, 142 & 143).
216. Mais Charles demeure introuvable. #Mukandutiye se tourne vers ses fils : « Si vous voulez être épargnés, faites sortir votre père dans la cour ». Mais Wilson et Degroot n'ont toujours pas encore pleinement compris la gravité de la situation dans laquelle ils se trouvent.
217. L’ont-ils appelé ou Charles s’est-il laissé trouver en entendant menacer la vie de ses fils ? Quoi qu’il en soit, il débusqué quelques minutes plus tard, et ramené manu militari dans la cour, parmi les autres réfugiés dont ses enfants, ses voisins et les enfants de ceux-ci.
218. Les autres hommes cachés au #CELa sont débusqués un à un. Ceux que les miliciens #Interahamwe ne connaissent pas sont triés sur base de « leur physionomie ethnique » (merci l’Etat Colonial Belge), sensée démontrer leur statut de complice (« ibyitso »). #Rwanda #LestWeForget
📌
Tu vois tous ces gens là-bas, Himmler ?
Et bien, il faudra qu’ils soient tous morts avant 16h30.

― Adolf #Hitler (idéologue du #nazisme, criminel de guerre allemand, ordonnateur de la Shoah)

#LaViedeRose #rafle #TharcisseRenzaho #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
219. Le tri des réfugiés du #CELA, commencé à l'aube par le « débrouissallage » des alentours du bâtiment, durera des heures. Il ne se termine que dans l’après-midi, au milieu de la cour du #CELA, où sont rassemblés 80 à 100 hommes soigneusement sélectionnés.
220. Assis sur le sol, ils attendent le verdict sur leur sort. Après la selection, vient l’enlèvement . Pendant ce temps, #Mukandutiye continue l’appel des noms. Répercutés dans le bâtiment par les #Interahamwe , ils parviennent jusqu’à la chapelle, où se cache un réfugié.
221. Cet homme est celui qui, sur le conseil de l’employé d’un organisme des Droits de l’Homme, a fait la liste des réfugiés (cfr Tweet 190). En entendant dire que le préfet le cherche, il prend peur et sort de sa cachette. Il est escorté dehors par un militaire et un gardien.
222. Ils le conduisent vers Tharcisse #Renzaho, sous les huées des miliciens. Le préfet de Kigali, qui connaît pertinemment la situatin, lui demande pourtant la raison de sa présence au #CELA et pourquoi ils y cachent des #Inkotanyi, qu’il appelle Inyenzi (« les Cafards »).
223. L’homme nie la présence des #Inkotanyi au Centre, et il affirme que tous ceux qui se trouvent au #CELA sont des gens du quartier #Rugenge. Pour preuve, ils ont tous des cartes d’identité. Pendant ce temps, les miliciens crient sur lui et le bousculent, l’accusant de mentir.
224. Il est ramené dans la cour. Outre Charles Rwanga et ses fils Wilson et Degroot, s'y trouvent :

Vincent Mugiraneza
Emmanuel Gihana
Emmanuel Semugomwa
Christophe Safari
Charles Gahima
Rwigamba
Charles Gahima & son fils
Albert (employé de l’ORINFOR)

#Rwanda #Kwibuka25 #CELA
📌
L’essentiel, en enfer, est de survivre.

― Michel Audiard (dialoguiste, scénariste et réalisateur français)

#LaViedeRose #rafle #rescapé #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
225. La sélection et la fouille du #CELA se terminent en milieu d'après-midi. Les #Interahamwe font monter les 80-100 prisonniers dans 3 véhicules, dont un minibus Hiace et une camionnette Toyota à double cabine. Ils les embarquent par la force, en les frappant/insultant.
226. A bord de la camionnette, se trouvent des gendarmes. Quant au minibus, il est conduit par un milicien. En effet, 10 à 12 #Interahamwe encadrent les « prisonniers » du #CELA. Parmi eux se trouvent #MichelNkeshimana, #FidèleHabimana dit #Castar, #Bwanakweri, #FaustinRwagatera.
227. Le préfet ne part pas avec eux. Il s’attarde sur les lieux pour superviser la suite. Il ordonne (à haute et intelligible voix ) aux miliciens de conduire les meneurs à la Brigade de Muhima pour y être jugés par un tribunal militaire (les réfugiés du #CELA sont des civils).
228. En réalité, #Mukandutiye a déjà ordonné à Claude, un de ses sous-fifres, de les conduire au lieu dit #CND, situé près du bureau du secteur #Rugenge, chez un particulier. Cet ordre codé signifie que ces personnes vont être tuées ; leur passage à #Muhima n’est qu’un leurre.
(229. CND : Conseil National pour le Développement. C'est la Parlement Rwandais d’avant 1994, où étaient stationnées les troupes du #FPR avant le 6 avril 1994, conformément aux Accords d’#Arusha. Il se trouvait loin du secteur #Rugenge, où se passent les événements décrits ici).
(230. Mais, durant le génocide, « pour se monquer des #Inyenzi », les charniers dans lesquels les #Interahamwe enterraientt les #Tutsi étaient surnommés #CND. Celui dont parle #Mukandutiye se trouvait juste à côté du secteur #Rugenge, creusé dans la parcelle d’un particulier).
231. Le convoi de 3 véhicules s’ébranle de la cour du #CELA avec à leur bord 80-100 hommes, dont Charles Rwanga et ses deux fils Wilson et Degroot. Rose racontera que jusqu’à la dernière minute, ses fils ne réalisaient pas le risque qu'ils couraient. « Ntibari bazi ibyo barimo ».
📌
“Rien ne s'efface : les convois, le manque de sommeil, la faim, les humiliations, les coups, les cris... rien ne peut ni ne doit être oublié.”

― Simone Veil (femme d’Etat française, rescapée de la Shoah)

#LaViedeRose #rafle #Kwibuka25

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232. Ceux qui ont participé au tri et à la #rafle du #CELA (procès #Renzaho, Affaire n° #ICTR-97-31-T) :

Préfet Tharcisse #Renzaho
Major Laurent #Munyakazi
Abbé Wenceslas #Munyeshyaka
Inspectrice Angéline #Mukandutiye
Conseillère Odette #Nyirabagenzi
Interahamwe (Tweets 207&226)
233. A la Brigade de #Muhima, les prisonniers avaient été pris en charge par une vingtaine de gendarmes, qui les avaient enfermés dans une vaste cellule. Connaissaient les consignes, ceux-ci n’avaient même pas pris la peine de procéder à une parodie de procès militaire.
234. Quelques minutes plus tard, les prisonniers avaient été remis aux #Interahamwe. Les prisonniers avaient été embarqués dans le minibus mais, cette fois-ci, ils n'étaient accompagnés que de miliciens. Ils étaient revenus par le même chemin, repassant devant le #CELA.
235. Arrivé au #Péage (Tweet 172 & 178), ils sont arrêtés par les miliciens de cette barrière. Ceux qui accompagnent les prisonniers informent leurs congenères qu’ils vont au « #CND ». Mais les #Intehamwe du Péage exigent qu’on leur remette certains des prisonniers.
236. Une dizaine d'hommes sont descendus du véhicule. Parmi eux, se trouvent Emmanuel Semugomwa, Albert Rwiyegura, le fils de Pierre Sebushishi, mais aussi Charles, le mari de Rose, ainsi que ses fils Wilson et Degroot. Ils sont alignés devant une haie et aussitôt abattus.
237. Des prisonniers restés dans le véhicule sont également abattus. Si on dispose d'information sur leur mort, c’est parce que deux hommes , dont Emmanuel Semugomwa, ont jouté le tout pour le tout et se sont enfuis. Alors qu’ils couraient, ils ont entendus les coups de feu.
📌
“ Tout #génocide est un humanocide.
Au fond, tout meurtre est un suicide.”
(Dans « La Part de l’autre »)

― Eric Emmanuel Schmitt (nouvelliste et romancier franco-belge)

#LaViedeRose #FamilleRwanga #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)

(Degroot, Hyacinthe et Wilson)
238. Le mari de Rose et ses deux fils sont morts fusillés l’après-midi de la rafle, entre 14h00 et 15h00. Un des #Interahamwe de #Rugenge, emprisonné pour génocide, a dit avoir vu leurs cadavres parmi ceux des quinze réfugiés du #CELA massacrés, à la barrière du « Péage ».
239. Une femme, cachée à proximité du #CELA, A assisté à la #rafle et l’enlèvement des réfugiés. Sans sortir de sa cachette, elle a entendu des coups de feu. (Rappelons que tous ces lieux (CELA, Eglise de la Sainte-Famille, Brigade de Muhima) sont proches les uns des autres).
240. Vers 15h00, tout le monde avait quitté les lieux. De sa cachette, la femme avait vu les #Interahamwe revenir pour piller le #CELA. Elle avait entendu l’un d’eux, une liste à la main, dire aux autres : « #Rwanga et ses fils sont morts, il faut donc les rayer de la liste ».
241. A la barrière du « Péage », les autres réfugiés sont tétanisés. Entassés dans le minibus, ils ont assisté au massacre de Charles et de ses fils. Ils ne peuvent plus ignorer le sort qui les attend. La camionnette redémarre, avec le reste des réfugiés sa cohorte de miliciens.
242. Ils sont conduits au #CND, en contrebas du secteur #Rugenge, où une grande fosse a été creusée dans la parcelle d’un particulier. Les hommes entassés dans la camionnette y sont « déchargés » sous les huées.
243. Voulant mourir au plus vite pour éviter toute torture supplémentaire, deux ou trois des réfugiés se jettent dans la fosse. Ils sont aussitôt fusillés par les miliciens. Le restant des #Tutsi du #CELA sont fusillés un à un, puis jetés dans la fosse.
244. Après le massacre, les corps de Charles, Wilson, Degroot #Rwanga et de la quinzaine de réfugiés assassinés au « Péage » sont entassés dans une camionnette. Conduits au secteur #Rugenge, ils sont jetés dans la fosse du #CND, entassés sur les corps de leurs compagnons du #CELA
245. A deux exceptions près, aucun des hommes et des jeunes gens « triés » et enlevés au cours de la rafle du #CELA, sur l’ordre de #Renzaho, prefet de la ville de Kigali, et la supervision de#Mukandutiye et de #Nyirabagenzi, miliciennes #Interahamwe, n’a survécu ce jour-là.
📌
“ La morale, ça ne sort personne de la fosse commune.”

― Tahar Ben Jelloun (écrivain, poète et peintre franco-marocain)

#LaViedeRose #Charlse #Wilson #Degroot #charnier #CND #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
246. Rose ne sait pas encore que son mari et ses fils sont morts. Quoique tétanisée par la situation, elle veut avoir de leurs nouvelles. Par trois fois durant les jours suivants, elle va tenter de s’informer sur le sort des siens auprès de leurs tortionnaires.
247. Ainsi, un quart d’heure après leur enlèvement, elle s’approche de Jean #Bizimana, bourgmestre de la commune urbaine de #Nyarugenge, arrivé entretemps au #CELA. « Ou avez-vous conduit nos époux ? », lui demande t-elle. Bizimana ne réagit pas et s’éloigne sans répondre.
248. Entretemps, le préfet Tharcisse #Renzaho a quitté les lieux pour rejoindre sa femme et ses enfants, qui sont logés, bien au chaud, à l’#HôtelKiyovu. Avant de partir, il ordonne aux femmes et à la vingtaine d’hommes non selectionnés du #CELA de « rentrer chez eux ».
249. Ils protestent, mettant en avant le danger ambiant et l’insécuritté dans les quartiers. Mais le préfet #Renzaho, qui vient d’organiser le tri, la rafle et le meurtre de leurs conjoints et enfants leur jure, la main sur le cœur, que la sécurité du quartier sera assurée.
250. En sortant du #CELA, certains réfugiés rentrent chez eux. Mais d’autres, dont Rose, sa fille, et la nièce de Charles, restent dans les parages, désemparés. Rose ne cesse de penser au sort de son mari et de ses fils, dont les derniers expressions et regards la hantent déjà.
251. Un homme aperçoit le groupe de femmes, errant non loin du #CELA. Il leur déconseille de rentrer chez elles, et elles font demi-tour. « Ceux qui ont peur de retourner chez eux peuvent venir à l’Eglise Sainte-Famille, propose alors l'Abbé Wenceslas #Munyeshyaka.
📌
Tous les passants du chemin battent des mains contre toi ; ils hochent la tête devant la fille de Jérusalem : Est-ce la ville que l’on disait 'Toute-belle', 'Joie de toute la terre'?

(Lamentations de Jérémie 2:13)

#LaViedeRose #Kwibuka25

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252. Située à Kiyovu, l’Eglise de la Sainte-Famille de Kigali est souvent décrite comme un édifice religieux. En réalité, il s’agit d’un complexe dont l’église est le centre, mais autour duquel se trouvent d’autres bâtiments : presbytère, librairie catholique, logements, etc.
253. Dès les premiers jours, les habitants des Kiyovu qui se sentaient menacés par les #Interahamwe se sont réfugiés dans l’église et ses alentours. Ainsi, on estime que, au milieu de juin 1994, environ 5000 Tutsi étaient réfugiés à Sainte-Famille et au Centre Saint-Paul.
254. Le responsable de l’Eglise de la Sainte-Famille est l’Abbé Wenceslas #Munyeshyaka, le même qui a assisté au tri des réfugiés du #CELA. Le prêtre, qui porte un 9mm sous un gilet pare-balles, sert d’interface entre les #Interahamwe et les réfugiés, qu’il prétend « aider ».
255. Arrivées à Sainte-Famille, Rose, Hyacinthe et la nièce de Charles doivent se rendre à l’autel. Là, se trouve une table, devant laquelle officie un homme appointé par #Munyeshyaka. Tout réfugié entrant dans l’église doit passer devant lui avant de s’installer dans la nef.
256. L’homme est chargé de veiller à l’inscription des réfugiés. Rose, sa fille et sa nièce inscrivent dont leurs noms, et remettent leurs cartes d’identité qui, rappelons-le, mentionne également votre « appartenance ethnique ». La carte d’identité n’est pas rendue aux réfugiés.
📌
“ C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est ce même regard aussi qui peut les libérer.”

― Amin Malouf (écrivain franco-libanais)

#LaViedeRose #Rose #Hyacinthe #Kwibuka25

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257. Une fois réglées les formalités d’inscription au regitre de l’Eglise de la Sainte-Famille, Rose ne parvient pas à rester en place. Elle veut connaître le sort des siens. Croit-elle qu’ils sont encore vie ? Espère t-elle, malgré tout, qu’on les a conduit en prison ?
258. Les trois femmes ont trouvé, dans l’église remplie de réfugiés, un coin où s’installer. Dans la nef surpeuplée et malodorante, elles retrouvent des amis et des voisins. Il y a aussi des vieillards, des blessés et des jeunes enfants perdus, dont les parents ont été tués.
259. Mais le funeste pressentiment de Rose s’amplifie. Un jour, voyant l’Abbé Wenceslas #Munyeshyaka passer près d’elle, elle lui demande : « Mon père, où mes enfants ont-ils été emmenés ? ». Le prêtre, qui sait pourtant qu’ils sont morts, réplique : « Ils vont revenir ».
260. Malgré l’angoisse provoquée par l’enlèvement de ses frères et de son père, auquel elle a assisté, Hyacinthe, jeune fille confiante de 20 ans, renchérit : « Ne t’inquiète donc pas maman. Que peut-il leur arriver puisque « Padiri » (le père) dit qu’ils vont revenir ?
📌
“ Quand, une fois, on a accueilli le Mal chez soi,
il ne demande plus qu’on lui fasse confiance.”

― Franz Kafka, rescapé de la Shoah (1919-1987)

#LaViedeRose #Rose #Hyacinthe #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
261. Rose est de plus en plus angoissée par le sort de ses fils/son mari, malgré les propos rassurants des uns et des autres. Elle a remarqué que certains réfugiés la dévisageaient avec pitié. Quant à ses amis/voisins ne lui ont pas demandé des nouvelles son mari et de ses fils.
262. Le massacre du « Péage » est parvenu jusqu'à la Sainte-Famille : les réfugiés ont appris, avant Rose, la mort des siens. Plus les jours passent, plus son inquiétude devient une certitude. Au fond d'elle-même, Rose a déjà compris que son mari et ses fils ne reviendront pas.
263. Mais le contexte ne la laisse pas faire son deuil. En effet, elle ne tarde pas à réaliser que l’insécurité règne autour d'elle. La nef de l’église est remplie de petits enfants isolés, de femmes, de vieillards (les jeunes gens et les hommes ont déjà été tués) et de blessés.
264. Des hordes d'#Interahamwe rôdent autour de l’église. D'autres circulent dans la nef comme en territoire conquis, sous le regard complaisant du maître des lieux, le père Wenceslas #Munyeshyaka. De temps en temps, ils font des incursions dans l’église
265. Ils achèvent les blessés soignés dans la journée par les rares humanitaires présents sur place. Et, comme au #CELA, ils trient le peu d’hommes qui restent, et ils les enlèvent. Ceux qu’ils amènent ne reviennent jamais. A la fin du génocide, on retrouvera leur corps au #CND.
266. Rose est ainsi confrontée chaque jour à ceux qui ont emmené son mari et ses fils. Les #Interahamwe rentrent dans l'église, arpentent la nef, menacent les réfugiés. Mais Rose n'a plus peur d'eux. Elle n'éprouve plus de sentiments, sinon une peur tenace pour sa fille Hyacinthe
📌
“ Mais pour nous, les heures, les jours et les mois n'étaient qu'un flux opaque qui transformait, toujours trop lentement, le futur en passé.”

― Primo Levi, rescapé de la #Shoah (1919-1987)

#LaViedeRose #Rose #Hyacinthe #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
267. Nous sommes à la fin du mois de mai 1994. Rose se trouve à Sainte-Famille depuis près de 3 semaines. Malgré son traumatisme et son inquiétude pour les deux jeunes filles qui l’accompagnent, elle commence à comprendre la manière dont la vie des réfugiés est organisée.
268. Rappelons que l’Eglise se trouve dans un secteur qui compte (4 sites proches Tweet 154&239). Entre avril et juin 1994, ils vont abriter des milliers de réfugiés, parmi lesquels ceux qui ont quitté le #CELA après la rafle 22 avril 1994, et des réfugiés venus de l'orphelinat.
269. Mais ils sont encore des milliers à Saint-Paul et la Sainte-Famille. Dans la nef de l’église, 1000 réfugiés vivent sous la responsabilité de #Munyeshyaka. Mais le comportement du prêtre pose question : il les appelle « Inyenzi « ou « Ibyitso » : cafards ou complices
270. « Vos frères et vos amis nous bombardent, et nous attirent beaucoup d’attaques », dit-il aux réfugiés. Rappelons que les personnes qui sont à l’Eglise Sainte-Famille ne sont pas des combattants, mais des civils, parmis lesquels Rose qui vient de perdre son mari et ses fils.
271. A noter que Wenceslas #Munyeshyaka n’est pas le curé des lieux, mais un vicaire. Le curé, Anaclet #Mwumwaneza, Tutsi et donc menacé, lui a laissé les clés avant d’aller se cacher au Centre Saint-Paul. Il n’est pas non plus le seul prêtre à s’occuper des réfugiés du coin.
272. Un autre prêtre, l'Abbé Célestin #Hakizimana, s'occuper de milliers de réfugiés au Centre Saint-Paul. Il ne porte pas ni armes ni gilet. Mais il mettra tout en œuvre pour cacher, nourrir et sauver de nombreuses vies, allant jusqu’à payer les miliciens.
273. Mais, du fait de sa proximité avec les autorités militaires, #Munyeshyaka a endossé le rôle de responsable de la sécurité. Il travaille en collaboration avec le sous-préfet chargé des Affaires Sociales/culturelles à la préfecture de la ville de Kigali, adjoint de #Renzaho.
274. Un camion mis à sa disposition, amène de la nourriture (biscuits). Munyeshyaka a obtenu du préfet 5 gendarmes pour « protèger » l’église. Ils n’empêcheront pas les #Interahamwe de faire des incursions régulières dans la nef, paradant devant les réfugiés et les insultant.
275. #Munyeshyaka est en excellents termes avec les #Interahamwe. Il plaisante et partage ses repas avec eux, leur donne des vivres. Il faut dire qu’ils le connaissent bien : il est le responsable des jeunes de la paroisse. Il les laisse circuler dans la nef et dans son bureau.
276. Le 1er mai 1994, #Munyeshyaka fait une intervention à la Radio Nationale. Il y dénonce les bombardements du #FPR ( Rappelons que, en marge du génocide, une guerre est en cours), mais il ne parle pas des #Interahamwe et des massacres quotidiens qui se déroulent sous son nez.
277. Malgré ce contexte stressant , Rose n’a plus peur. Mais si les insultes des miliciens ne la touchent plus, elle n’aime pas la manière dont ils reluquent sa fille de vingt ans. Car, si elle n’a plus peur pour elle-même, elle a le désir farouche de protéger Hyacinthe.
278. Malgré sa défiance, elle se tourne vers #Munyeshyaka. « Il faut protéter ma fille, c’est la seule enfant qui me reste », supplie t-elle. Ne pouvez-vous pas la cacher ? « Tu n’as aucune raison de t’inquiéter, fait le prêtre, rassurant. Elle ne risque rien dans l'église ».
📌
“ Notre grande erreur est de croire que
le médecin, l'avocat et le prêtre
ne sont pas des hommes comme les autres.”

― Henry De Montherlant
(Académicien, écrivain, Romancier)

#LaViedeRose #Hyacinthe #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
📚 Rien de tel, pour cerner la réalité d'un #genocide, que de relire les compte-rendus détaillées des procès du #TPIR. Les #Rwanga sont mentionnés dans le procès de Tharcisse #Renzaho (Affaire nbr ICTR-97-31-T). #laViedeRose🌹#Rwanda #Kwibuka25
279. De son côté, Hyacinthe est loin de partager les préoccupations de sa mère sur sa sécurité. Non pas qu’elle soit dans l’irréalité, bien au contraire. A l’instar de Rose, elle se doute que son père et ses deux frères sont morts, et elle-même n’est pas certaine de survivre.
280. Mais, dès son arrivée à la Sainte-Famille, elle a été interpellée par un problème qui l’a distrait de ses propres deuils. Pendant que sa mère s’inquiète pour sa sécurité, Hyacinthe s’inquiète du sort des enfants isolés, nombreux parmi les 900 réfugiés présents dans la nef.
281. Certains de ces enfants, dont les pères étaient des employés du PNUD, ont été amenés là après la mort de leurs parents, assassinés au début du génocide. Âgé de 4-5 ans, ils sont incapables de subvenir à leurs besoins. Perdus, ils errent dans la nef, pleurant à fendre l’âme.
282. Ceux qui ont connu les enfants de Rose se souviendront de Hyacinthe Rwanda comme d’une gamine qui avait du tempérament. L'enfant a hérité du caractère trempé de son arrière grand-mère Nyiramukobwa (Tweet 94), qu’elle a d'ailleurs bien connue (Tweet 8). « Ntiyavugirwagamo »
283. Âgée de 20 ans en 1994, c’est une jeune fille, gentille, sensible, et bien élevée. Rose a veillé à transmettre à son unique fille les valeurs de sa propre famille (Tweet 72). Prenant à cœur le sort des petits réfugiés, Hyacinthe décide de s'instituer leur protectrice.
284. Elle parvient à convaicre d’autres jeunes réfugiées de l’aider dans cette tâche. Des rations de biscuits sont distribués, mais il faut faire la file longtemps. L'eau étant insuffisante, il faut sortir de l’église pour puiser dans le coin, avec les risques que ça comporte.
285. Les jeunes filles se chargent de procurer eau et nourriture aux enfants. Leur sort préoccupe Hyacinthe, au point qu’elle a du mal à s’asseoir. Elle erre dans la nef en quête de restes pour les nourrir, et elle fait la file trois fois par jour pour accumuler les biscuits.
286. On sait que Hyacinthe était consciente de la gravité de la situation dans laquelle les réfugiés de la Sainte-Famille se trouvaient parce qu'elle a dit à ses jeunes compagnes : « S’il y en a, parmi vous, qui ont la chance de survivre, il leur faudra s'occuper des orphelins ».
📌
“ Thou shalt love thy neighbour as thyself.”

(Matthiew 22 : 39)

#laViedeRose #Hyacinthe #Kwibuka25

(A demain, même rue, même heure)
(Notons que la #Belgique connaissait les intentions du colonel Tharcisse #Renzaho, préfet de la ville de Kigali. Dans un courrier👇🏾, son ambassadeur Johan #Swinnen (1990-94) le mentionne dans un groupe "chargé d'organiser la terreur et les massacres dans le pays". #laViedeRose🌹)
287. Un jour, Rose aperçoit le préfet #Renzaho, qui vient de temps en temps sur les lieux. Il est entouré par ses #Interahamwe mais Rose, qui a déjà trop perdu, n’a plus peur. Et elle veut savoir ce qui est arrivé à ses fils et à son mari. S’approchant de lui, elle l’interpelle :
288. « C’est toi qui a pris mes enfants pour aller les tuer ? Si tu devais tuer quelqu’un, pourquoi ne t’es-tu pas contenté de Charles et moi ? Mes enfants ne n'ont pas connu de conflits avec les Hutu. Que t'ont-ils fait ? » Le préfet #Renzaho se détourne d'elle sans répondre.
289. Rose devient de plus en plus vigilante. Elle note que des jeunes filles sont logées, non dans la nef avec les autres réfugiés, mais dans les annexes. Certaines disparaissent. D’autres sont « transférées » à l’#HôteldesMilleCollines, réputé plus sur en ces temps troubles.
290. Or, bien que l’#HôteldesMilleCollines soit à moins d’un km de la Sainte-Famille, il n’est pas possible, en ce mois d’avril-mai 1994, de s’y rendre sans l’accord et l’escorte des des #Interahamwe, qui occupent les rues du centre-ville et cernent l’Eglise et l’Hôtel.
291. Les autres réfugiées dans la nef apprennent à Rose que des filles ont échangé leur transfert contre des « faveurs ». D’autres ont été enlevées par les miliciens et installées dans les maisons alentour, comme esclaves sexuelles. En #kinyarwanda, on appelle ça « Kubohoza ».
292. Terrifiée à l’idée que cela arrive à sa fille, Rose se tourne encore vers le père #Munyeshyaka. « On m'a dit que tu caches des gens au presbytère. Hyacinthe est la seule enfant qui me reste. Je t'en supplie, cache-là ». Le prêtre lui affirme qu'elles sont en sécurité.
293. Mais Rose est loin d’être convaincue. Avec d’autres femmes réfugiées dans la nef, elle conseille aux jeunes filles de s’enlaidir. « Il faut te raser la tête », ordonne t-elle à Hyacinthe, qui obéit aussitôt. Mais elle n’a coupé qu'un ou deux centimètres, dira Rose plus tard.
📌
“ Au #Rwanda, le viol a été utilisé comme arme de guerre
et instrument de nettoyage ethnique.”

― Conclusions des procès de Jean-Paul #Akayesu et Pauline #Nyiramasuhuko (génocidaires condamnés par le #TPIR)

#LaViedeRose #viols #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
294. Nous sommes à la mi-juin 1994. A Paris, François #Mitterrand constate que la guerre prendre une tournure qui ne lui plait pas. Le 14 juin, son Conseil des Ministres décide d’une opération « militaro-humanitaire » conduite par la #France au #Rwanda. #Turquoise #Françafrique.
295. Un rappel sur les motivations de l’Opération #Turquoise :
- Faire passer les Français pour des sauveurs
- Dépenser le moins possible
- Sauver le maximum de victimes (dans un Nord extrémiste où tous les Tutsi ont été tués aux 1ères heures d'avril)
296. Mais pour les 20.000 réfugiés pris au piège à Kigali-ville, la guerre est loin d’être finie. Pendant que les Blancs tiennent conseil dans des cabinets feutrés, la vie des réfugiés de l’Eglise de la Sainte-Famille (celle de Rose en particulier) prend un tournant funeste.
297. Dans la nef, où erre un millier de réfugiés assoiffés et affamés, les événements de précipitent. Un jour, une horde d' #Interahamwe fait irruption, comme ils sont l’habitude de le faire. Mais cette fois-ci, ils sont plus nombreux, et plus agressifs.
298. Ils trient 60 adolescents parmi les réfugiés, sur base de 2 critère : le sexe (masculin) et l’ethnie (la carte d’identité et/ou « la morphologie » Tutsi ). Il s’avère que deux des enfants sont Hutu, ils sont relâchés, et 2 adolescents Tutsi sont choisis pour les remplacer.
299. Le groupe de 60 adolescents est conduit au #CND, le charnier du secteur #Rugenge (Tweet 229 & 230) où Charles, Wilson et Degroot, le mari et les fils de Rose, ont été jetés le 22 avril 1994, peu après leur exécution par ces mêmes #Interahamwe.
📌
Pour qu’un groupe perçoive sa violence collective comme sacrée, Il faut qu’il l’exerce unanimement contre une victime dont l’innocence n’apparaît plus, du fait de cette unanimité.

― René Girard (philosophe français)

#LaViedeRose #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
300. Quelques jours plus tard, un témoin raconte, horrifié, la rafle et l’exécution des 60 adolescents à un observateur militaire, qui en rend compte au QG de la #MINUAR, au moment où un colonel du #FPR s’y trouve, en grande discussion. Le militaire se met à pleurer.
301. La #MINUAR décide d'envoyer des observateurs. Le jeudi 16 juin 1994, le Préfet Tharcisse #Renzaho, débarque à Sainte-Famille, pilotant une délégation officielle composée par le général #Aniyihondo de la #MINUAR, le #CICR et des journalistes. De la #ComPol en plein génocide.
302. La #MINUAR met sur pied une "opération de secours" pour évacuer les réfugiés. Selon une rescapée (cfr. le procès de #Renzaho au #TPIR ref. CTR-97-31-T), le père #Munyeshyaka convainc Hyacinthe de dresser la #liste des réfugiés, assurant qu'ils seraient évacués le lendemain.
303. Avec l'aide de ses jeunes amies, Hyacinthe s'exécute. Sa mère et elle figurent sur la #liste. Mais, entre ceux qui se battent faire partie du convoi, et ceux qui sont matraqués par les #FAR alors qu'ils montent dans les bus, l'opération se passe dans un cafouillage total.
304. Rose et sa fille ne feront pas parti du convoi. Mais entretemps, le militaire qui se trouvait à la #MINUAR n'est pas resté inactif. De retour dans son camp, il a informé son commandement du sort infligé aux 60 adolescents. Le #FPR décide de venir au secours des réfugiés.
305. Dans la nuit du 16-17 juin 1994, les #Inkotanyi franchissent les lignes ennemies. Soutenus par une artillerie lourde, ils débarquent à Saint-Paul et Sainte-Famille (sites proches) et affrontent les militaires des #FAR, les gendarmes et #Interahamwe qui "gardent" les lieux.
306. Ce jour-là, environ 600 réfugiés sont évacuées dans les zones contrôlées par le #FPR. La plupart viennent de Saint-Paul. Prises au piège à la Sainte-Famille, Rose et sa fille n’entendront parler de l'évacuation qu'au réveil, quand le Préfet #Renzaho débarquera sur les lieux.
📌
“ On n’interrompt un #génocide que par la force.
Le génocide des Tutsi été interrompu par la force armée du #FPR.
S’il y avait eu une autre force sur place, ça se saurait.”

@FredericEncel (géopolitologue français)

#LaViedeRose #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
307. Le lendemain à l’aube, on frappa à la porte du presbytère situé à côté de l’église. Informé des événements de la nuit, le père #Munyeshyaka s’habilla à la hâte et arriva en courant dans l’église. Il rassembla le millier de réfugiés de l'Eglise Sainte-Famille près de l'autel.
308. Le prêtre a un message : « Préparez vos cœurs et sanctifiez-vous car l’heure est venue. ». Il prendra le temps de célébrer une messe avant de quitter les lieux. Plus tard, il sera vu par des réfugiés, la #liste de Hyacinthe à la main. (cfr. #TPIR #Renzaho ICTR-97-31-T).
309. Entretemps, le Préfet #Renzaho, la Conseillère #Nyirabagenzi et l’Inspectrice #Mukandutiye débarquèrent à leur tour à la Sainte-Famille, avec une immense horde d’#Interahamwe armés jusqu’aux dents. Ils ordonnèrent aux réfugiés de sortir, et de se rassembler sur le parvis.
310. Devant le préfet et les deux femmes, les #Interahamwe trièrent les réfugiés. Ils veulent savoir qui a été évacué par le #FPR durant la nuit, et qui est encore présent. L’un d'eux procède à l’appel. Il tient à la main la liste rédigée la veille, à la demande de #Munyeshyaka.
311. Au procès de #Renzaho ( #TPIR ICTR-97-31-T), une des rescapées de Sainte-Famille qui avait aidé Hyacinthe à rédiger la liste témoignera qu’elle a reconnu la feuille. De plus, l’appel des noms s’est fait dans le même ordre que celui dans lequel la liste avait été rédigée.
312. En entendant leur nom, les réfugiés doivent lever la main, s’avancer et montrer patte blanche, i.e. présenter leurs cartes d’identité. Or, beaucoup - dont Rose et sa fille - n’ont plus les leurs, confisquées quand on les a inscrit le jour de leur arrivée (Tweet 256).
313. D'ailleurs, les #Interahamwe brandissent certaines de ces cartes qui, rappelons, comportent une mention ethnique (Tweet 77). Les réfugiés découvrent ainsi qu’ elles ont ont été disséminées parmi les #Interahamwe, ceux-là même qui font irruption dans l'église tous les jours.
314. Une fois l’appel des réfugiés terminé, Tharcisse #Renzaho, Odette #Nyirabagenzi et Angeline #Mukandutiye s’éloignent, suivis de quelques gendarmes et #Interahamwe. Pour mieux assister à l'hallali, ils vont se tenir sur un monticule surplombant l'église, près d'une citerne.
📌
“ C'est cela l'enfer.
Aujourd'hui, dans le monde actuel, l'enfer, ce doit être cela :
une grande salle vide, et nous qui n'en pouvons plus d'être debout.”

― Primo Levi, rescapé de la #Shoah (1919-1987)

#LaViedeRose #Hyacinthe #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
315. Les réfugiés, triés par les #Interahamwe sur base d’une liste, sont menés dans le jardin de l’église, avec d'autres qui n’y figurent pas mais qui ont « une physionomie Tutsi ». Les miliciens les tuent sur place. Puis, une fois que c'est fait, ils marchent vers l'église.
316. Faisant irruption dans la nef, ils se livrent à un véritable massacre. Signe de la confusion qu’ils font entre les civils et les combattants du #FPR, ils diront – après la tuerie – qu’ils ont mené cette attaque cela pour se venger, parce des réfugiés #Tutsi ont été évacués.
317. Ce jour-là, une centaine de réfugiés périssent. Les hommes et jeunes gens encore vivants sont particulièrement visés car, dans les fantasmes des #Interahamwe, il faut les empêcher à tout prix de rejoindre le #FPR. Mais les femmes et les enfants ne sont pas épargnés non plus.
318. Durant l’attaque, Rose est restée dans l’église, aux côtés de sa fille. Avec d’autres femmes, elles tentent de passer inaperçues dans la nef envahie de miliciens. Mais c’est peine perdue car elles sont connues des #Interahamwe. De plus, elles sont les premières sur la liste.
319. Un des #Interahamwe, qui a sans doute repéré Hyacinthe lors de précédentes incursions dans la nef et qui, en tous cas, connait son père - peut-être est-ce l'un de ceux qui l'ont tué - s’approche des 2 femmes, l'oeil rubrique. Sur un ton menaçant, il s'adresse à jeune fille.
320. « La belle Hyacinthe, la fille de Charles. Ajourd’hui, je vais t'emmener avec moi ». Tout en parlant, il tente la main pour toucher la poitrine de la jeune fille, sous les yeux consternés de sa mère. « Je la prend avec moi. Aujourd’hui, je vais l’emmener », dit-il à Rose.
321. Mais Hyacinthe, l'arrière-petite de #Nyiramukobwa (Tweet 8) ne se laisse pas faire. Repoussant son agresseur, elle réplique : « Tu va m’emmener ? M’emmener où ? C’est hors de question. Tu ne m'emmènes pas. Je ne pars pas avec toi. Nulle part » conclut-elle en hurlant.
322. Ses cris se repercutent dans la nef, figeant des réfugiés aux abois. Ils viennent de subir un énième tri et des menaces. Certains viennent de perdre leurs proches, massacrés dans le jardin de l'église. Confrontés aux appels de Hyacinthe, ils sont littéralement impuissants.
📌

“ Le danger dissout tous les liens.”

― Proverbe français

#LaViedeRose #Hyacinthe #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
323. Le milicien qui veut emmener Hyacinthe de force n’en croit pas ses oreilles. Quoi ? Cette petite jeune fille affamée et fragile refuserait de le suivre, lui ? Incrédule, il se fait menaçant : « Et si tu avais le choix entre mourir ou venir avec moi, que choisirais-tu ? »
324. Hyacinthe, l’arrière petite-fille de #Nyiramukobwa, « umugore w’ingare », tient tête à la brute : « J’accepte de mourir ». Mais le milicien ne veut toujours pas y croire : « Quoi ? Tu n’es pas sérieuse ? ». Tout en parlant, il tente de l'attirer à lui, mais elle résiste.
325. La jeune fille persiste et signe : « J’accepte de mourir, car je n’irai nulle part avec toi. J’accepte la mort. Tire sur moi. (« Ndasa ») » répète t-elle. Le milicien tente de l'obliger à se lever, mais elle refuse. Devant une Rose ébahie, il la tire vers lui sans aménité.
326. Comme Hyacinthe résiste, le milicien est obligé de la trainer sur le sol. Elle continue à se débattre, devant sa mère et ses compagnons d'infortune tétanisés par la scène. Les amies avec lesquelles elle s’occupe des enfants se mettent à pleurer, de douleur et d'impuissance.
327. Finalement, constatant que Hyacinthe ne partira pas avec lui de son plein gré, le milicien se lasse et finit par s’enerver. Armant son fusil, il met la jeune fille en joug. Elle ferme les yeux, résignée. Le milicien lui tire une balle dans le cou, et une autre sur le front.
📌

“ Nyiratunga yaratumye, ego mama
Ngo abatoya ntibagapfe, umwa azaza
Ngo abatoya ntibagapfe, ego mama
Bararenga barashira, umwa azaza.

― Vieille comptine #rwanda-ise

#LaViedeRose #laFilledeRose #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)

Hyacinthe Rwanga (1974-1994)
🎼🎙️“Nyiratunga Yaratumye ngo Abatoya Ntibagapfe.”
(Jean Baptiste #Byumvuhore)

👉🏾 Iyi ndilimbo nyitunye #HyacintheRwanga.
Icyo nzi n'uko wowe nab'iwanyu bose muri Aheza.

SIT TIBI TERRA LEVIS ma toute belle 🙏🏾

#laViedeRose🌹#Kwibuka25 #RwOT🇷🇼

328. Les coups de feu tirés sur Hyacinthe font sursauter sa mère. Rose a suivi, à quelques mètres, le milicien qui traînait violemment sa fille sur le sol. S'ébrouant, elle se rue vers #Hyacinthe, recroquevillée dans un coin de la nef, et la prend dans ses bras.
329. Un rictus sur les lèvres, le tueur la regarde bercer sa fille. La balle a du atteindre la veine jugulaire, car le sang gicle du son cou comme d’un robinet. Rose regarde sa fille se vider de son sang. « Ma fille, tu te meurs. Urapfuye we » répète t-elle douloureusement.
330. Mais, bien qu’elle soit à l’agonie, Hyacinthe n’est pas encore morte . Avant de rendre le dernier soupir, elle à le temps de transmettre à sa mère un désir qu’elle a déjà exprimé à ses jeunes compagnes réfugiées : « Maman, si jamais tu survis, occupe-toi des orphelins ».
331. Réalisant que le dernier enfant qui lui restait vient d’être assassiné sous ses yeux, Rose se redresse, enragée. La douleur l'a rendu sans peur. Empoignant son col, la mère de famille invective le tueur de sa fille : « Et moi, qu’est-ce que tu me laisses ? Unsigiye iki ? ».
332. Le milicien, qui sait que Rose a déjà perdu son mari et ses fils, la repousse sans ménagement : « Urwo upfuye si ruto » rétorque t-il goguenard :
- Littéralement : « La mort qui t’atteint n’est pas des moindres ».
- Signification : « Ce qui t’arrive est pire que la mort »
333. De fait, Rose se sent gagnée par une mer gelée. Des années plus tard, quand elle racontera la mort des siens, elle affirmera que ce milicien avait raison. Ainsi, lorsqu'elle parlait du 22 avril 1994, elle commençait toujours ainsi :
« Le jour où nous sommes morts... ».
334. A l’extérieur de l’église, le préfet #Renzaho siffle le fin à l'attaque :
« Cessez de tuer, nous avons liquidé tous les #Inyenzi ».
Le massacre de Sainte-Famille s’achève vers midi. Il aura fait une centaine de morts, parmi lesquels la dernière des trois enfants de Rose.
335. Les #Interahamwe se tournent vers les enfants et les femmes dont ils viennent d'exécuter les pères et les maris : « Vous, les femmes, applaudissez parce que les #Inyenzi sont exterminés » ordonnent-ils. Ils s’exécutent, car il y va de leur vie (cfr procès #TPIR de #Renzaho).
336. Dans la nef, Rose garde le corps de Hyacinthe dans ses bras. Pendant deux jours et deux nuits, le coeur gelé et les yeux secs, elle va bercer sa fille. Elle refuse de la lâcher, et personne n’ose la lui enlever. Mais finalement, les autres réfugiés parviennent à les séparer.
📌
“ Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte :
c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée,
car ils ne sont plus.”

― Evangile Saint-Matthieu 2 :18

#LaViedeRose #Rose #maternité #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)

Rose Murorunkwere 👇🏾
337. Entretemps, suite à l’épuration des 60 adolescents Tutsi, ce qui reste de la #MINUAR a décidé d'organiser un autre convoi de réfugiés. Le 24 juin 1994, une semaine après la mort Hyacinthe, Rose, la nièce de Charles et d'autres réfugiés quittent l’Eglise de la Sainte-Famille.
338. Les réfugiés sont conduits en zone #FPR. Rose va vivre à #Kabuga, avec la nièce de Charles. Elle a échappé aux miliciens car personne ne la connaissait - elle était originaire du sud-est du pays. De plus, elle ne s’était pas inscrite dans le registre du père #Munyeshyaka.
339. La famille élargie de Charles a été quasiment éradiquée durant le génocide des Tutsi. Contrairement à 1959 où leur région d'origine, le #Buganza, avait relativement été épargné par les persécutions ethniques, la descendance de #Rwasubutare (Tweet 51&52) fut décimée en 1994.
340. Rose et la nièce de Charles s'installent à #Kabuga, où elles sont rejointes par un frère rescapé de la jeune fille. Un second frère, combattant du #FPR, les rejoint. Sa famille décimée, ce sont donc trois neveux rescapés de son mari qui veillent sur une Rose traumatisée.
341. Le 4 juillet 1994, le #FPR prend la ville de #Kigali. Peu après, Rose revient dans la capitale. De retour chez elle, elle réalise pleinement ce qui lui est arrivé : en moins de trois mois, elle perdu toute sa famille. Désormais, elle vivra avec les trois neveux de Charles.
📌
“ Le génocide est une marée noire,
ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie.”

@GaelFaye (chanteur, rappeur, auteur-compositeur-interprète et écrivain franco-#rwanda-is.)

#LaViedeRose #Rose #deuil #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
342. De retour à Kigali, Rose a repris le cours d'une existence qu’elle a cependant du mal à "habiter". Sa vie, sans les siens, lui semble irréelle. Mais elle doit travailler pour vivre. Elle ne tarde pas à trouver une place dans une pharmacie où elle a travaillé autrefois.
343. Il faut imaginer ce qu’est, après la fin de la guerre, un pays qui vient de perdre plus d’un million de citoyens dans le génocide le plus expéditif de l’histoire. Le #Rwanda est une fosse commune à ciel ouvert et #Kigali une ville malodorante, envahie par des chiens errants.
344. Les rares rescapés (75% des Tutsi du #Rwanda ont été exterminés) cherchent les corps de leurs morts, et Rose cherche ceux de son mari et de ses fils. Le seul membre de sa famille dont elle connaît la tombe est Hyacinthe, qu'elle a pris soin d'enterrer avant d'être évacuée.
345. Dès qu'elle entend dire qu'on a mis à jour un charnier, elle se précipite sur les lieux. « Quand tu n’as pas enterré les tiens, il n'y a pas de repos possible » dira t-elle. Au bout de 3 mois, elle doit rendre son tablier à la pharmacie, car elle ne cesse de s'absenter.
346. Rose ne travaille plus. Toute la journée, elle reste à la maison, face à une douleur abyssale. Elle ne sort plus de chez elle que pour aller examiner les fosses communes. Les dernières paroles de sa fille la hantent: « Maman, si jamais tu survis, occupe-toi des orphelins ».
347. Or, les orphelins, ce n’est pas ce qui manque. Après deux semaines de chômage, une amie informe Rose que la Croix Rouge cherche des mères de substitution. Rose a besoin de travailler, mais elle veut aussi vérifier si, après son malheur, elle est encore capable d'aimer.
348. Elle postule à la Croix-Rouge. Devenue mère de substitution , elle constate qu’elle est encore capable de prendre soin de nourrissons, ce qui lui confirment ceux qui sont chargés de superviser son travail. Elle est payée 200.000 FRW, ce qui est beaucoup d’argent à l’époque.
349. Mais l’amie de Rose - celle-là même qui lui a parlé de la Croix-Rouge - n’est pas rassurée. Elle craint que la proximité de jeunes enfants ne réveille constamment la douleur de Rose. Elle la convainc de quitter la Croix-Rouge, et elle la pistonne dans la banque où travaille.
350. Rose est engagée par la #BACAR. On l’appelle "Mukecuru "- l’Ancienne -. Mais les hommes étant ce qu’ils sont, certains se plaignent qu'elle ait été engagée "sans expérience". Mais Rose rencontre aussi de la compassion. Ainsi, le directeur de la banque décidera de la garder.
351. Grâce à son travail, Rose rencontre des gens, qui la distraient du trou noir qui l’habite. Elle commence à avoir un semblant de vie sociale. Elle déplace le corps de sa fille Hyacinthe au @Kigali_Memorial. Mais elle ne sait toujours pas où sont enterrés son mari et ses fils.
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“ Le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre.”

― Victor Hugo (poète, dramaturge et romancier français)

#LaViedeRose #Rose #deuil #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
352. Un jour, un milicien « repenti » donne des informations sur l’emplacement du charnier de #Rugenge. Une amie de Rose en entend parler. Elle connaissait bien sa famille. Soucieuse de ne pas l'alerter pour rien, elle décide de se rendre sur les lieux pour identifier les corps.
353. En examinant les squelettes tirés du #CND (Tweet 228, 229 & 230), elle croit reconnaître le mari et les fils de Rose. Elle demande à ceux qui s'occupent du charnier de mettre les squelettes de côté. Puis elle court chercher Rose à la Banque, et la ramène jusqu’au charnier.
354. A la forme des os du crâne, Rose reconnaît son mari et ses fils. Plus tard, elle dira qu’elle a reconnu leurs mâchoires caractéristiques, ainsi que les jeans qu’ils portaient le jour de leur mort. Une fois leurs os nettoyés, elle peut enfin enterrer leurs corps.
355. Quelques jours plus tard, Charles, Wilson et Degroot Rwanga retrouvent leur fille et soeur Hyacinthe au @Kigali_Memorial. Ils rejoignent les restes des quelques 250.000 victimes du génocide des Tutsi du #Rwanda qui sont déjà enterrées dans ce Mémorial kgm.rw
📌
“ Comment enterre t-on les souvenirs ?
Dans quel charnier les abandonner une bonne fois ?
La #mémoire est une hyène
Elle fouille, trouve toujours un lambeau à arracher.”

― Jeanne Benameur (écrivaine française)

#LaViedeRose #deuil #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
356. Après l’enterrement des siens, Rose espére retrouver une certaine paix, mais c’est loin d’être le cas. Elle ne cesse de croiser des #Interahamwe de #Rugenge, qui ont été libérés. Pour expliquer comment ils se sont retrouvés si tôt hors de prison, il faut parler de justice.
357. Note✍🏾 : si le génocide des #Tutsi du #Rwanda fut, comme tous les génocides, planifié par un Etat, mis en oeuvre par un gouvernement (#Abatabazi), exécuté par une armée (#FAR) appuyée par des milices (#Interahamwe), sa particularité est d’avoir été un génocide de voisinage.
358. La population civile contribua directement (cfr les chasses de Tutsi dans les marais du #Bugesera décrites par Jean #Hartzefld) et indirectement (délation, non assistance, pillage) au génocide qui, pour cette raison, fut le plus expéditif et "efficace" de l’histoire.
359. Cependant, le #Rwanda fit le choix de la réconciliation. Pour être effective, celle-ci exigeait une justice. Mais celle-ci semblait difficile à mettre en œuvre, car le pays était confronté, dans ce domaine, à des questions inédites.
360. Ainsi, le corps judiciaire avait été lui-même touché. Entre les victimes et les exilés, la pénurie de magistrats et d'avocats était sans précédent. Les tribunaux croulaient sous les dossiers. On estimait alors qu'il aurait fallu 200 ans pour juger tous les cas de génocide.
361. Pour résoudre cet épineux problème, le #Rwanda va puiser, dans ses traditions, une solution endogène. Elle remet au goût du jour les #Gacaca, juridictions populaires communautaires qui, à l'origine, réglaient les différends de voisinage/conflits familiaux sur les collines.
362. En août 1996, la loi sur l'organisation/poursuite de crimes de génocide/contre l'humanité créé 4 catégories de criminels :

1-Les planificateurs, les organisateurs, les incitateurs, les superviseurs, les encadreurs du crime de génocide et les auteurs de viols.
363. La Loi d’août 1996 (suite) :

2- Les auteurs, coauteurs ou complices qui avaient l'intention de tuer
3- Les auteurs, coauteurs ou complices qui ont commis des atteintes graves sans intention de causer la mort
4- Les personnes ayant commis des infractions contre les biens.
364. Seule la première catégorie est renvoyée dans les tribunaux conventionne. Les juridictions #Gacaca reçoivent le mandat de statuer sur les dernières catégories 2), 3) et 4).
365. Certains accusés ont la possibilité de voir leur peine commuer en travaux d'intérêt général s'ils plaident coupables. Expérimentés dès 200, mis formellement en place le 18 juin 2002, les 12.103 #gacaca vont mobiliser 169.442 juges et examiner 1.951.388 cas de génocide
366. Dans le sillage des #Gacaca, deux vagues de libération de prisonniers ont lieu, en janvier 2003 et août 2005. Sont libérés les détenus ayant fait des aveux complets, ceux dont les dossiers sont incomplets ou les détenus malades, âgés et mineurs au moment des faits.
367. Environ 50.000 personnes bénéficient de ces libérations et, parmi eux, certains des anciens #Interahamwe de #Rugenge. Voilà comment Rose se retrouve, quelques années à peine après la mort des siens, face à des membres de la horde qui a assassiné son mari et ses enfants.
368. Mais hélas, il semble que ces anciens miliciens ne sont pas tous véritablement « repentis ». Certains viennent rôder dans son quartier, et même autour de sa maison, dans le but évident de l'intimider. A cause d’eux, le fardeau de Rose s’alourdit, et ses plaies se ravivent.
369. Ainsi, un jour, l'un d'entre eux se met à marcher à ses côtés. Après avoir vérifié qu’il n’y a pas de témoin, il lui chuchote, ironique : « Madame #Rwanga, nous, on a été libérés. Et les tiens, ils reviennent quand ? ». Rose, fragilisée, n'a pas l'énergie de les dénoncer.
370. Des années plus tard, Rose confiera : « Tout cela m’empêchait d’oublier ma douleur. Mon cœur se remplissait de colère et de haine, alors que ce n’était pas nécessaire (« Ibyo byose bigatuma utibagirwa, kandi ugira intimba n’ubugome, kandi atari ngombwa »)
370. Des années plus tard, Rose confiera : « Tout cela m’empêchait d’oublier ma douleur. Mon cœur se remplissait de colère et de haine, alors que ce n’était pas nécessaire (« Ibyo byose bigatuma utibagirwa, kandi ugira intimba n’ubugome, kandi atari ngombwa »)
371. « L’idéal aurait été, non pas d’oublier, mais de déposer mon fardeau, et même de pardonner à ceux qui le veulent vraiment » (« Uwagira Imana, simvuze ngo yakwibagirwa, aliko akururuka ku mutima, mbese ukumwa wanatanga n’imbabazi mu bazishaka »).
📌
“ Seul le #pardon peut guérir cette nation.
Et son fardeau repose sur les rescapés,
Parce qu’ils sont les seuls à avoir quelque chose à donner.”

― Paul Kagame (Président du #Rwanda)

#LaViedeRose #justice #gacaca #réconciliation #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
372. Rose, fragilisée par ses pertes, ne sait comment faire face aux agressions feutrées des « repentis » de son quartier. Elle qui a toujours été « solide comme un roc », selon ses propres termes, voit sa santé se détériorer petit à petit, au fur et à mesure que le temps passer.
373. Quelques mois après la fin du génocide et la disparition des siens, elle a commencé à avoir des douleurs au cœur. On lui prête de l’argent pour qu’elle aille se faire soigner au Kenya. Là-bas, on diagnostique une grave maladie du cœur, mais aussi d’autres maladies.
374. De retour au #Rwanda, elle décide de quitter le pays pour aller se faire soigner au #Canada, mais aussi pour fuir les « repentis » et les souvenirs que leur vue lui rappelle. Parmi ses jeunes frères rentrés au pays, se trouve un médecin qui va l’aider dans ses les démarches.
375. Grâce à l’aide financière d’un ami de ses enfants, elle trouve l’argent du ticket. En juin 2004, dix ans après le génocide qui a emporté son mari et ses trois enfants, Rose quitte le Rwanda pour le Canada, où elle est accueillie par des amis.
376. Rose dira qu’elle a trouvé, à #Montréal, une communauté #rwanda-ise pleine de compassion. Ils l’ont accueillie et pris soin d’elle. « Ils font leur possible pour soigner mes plaies. Nos commémorations pour se rappeler des nôtres me font beaucoup de bien » dira t-elle.
📌
“ Nous découvrons, tôt ou tard dans la vie,
que le bonheur parfait n'existe pas,
mais bien peu sont ceux qui s'arrêtent à cette considération inverse
qu'il n'y a pas non plus de malheur absolu.”

― Primo Levi

#LaViedeRose #deuil #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
377. Venons-en au sort des bourreaux de la famille de Rose. La plupart des #Interahamwe de #Rugenge ont suivi le flot de réfugiés au Zaïre et y sont morts. Certains planificateurs ont été jugés/condamnés. Echappant à la justice des hommes d'autres se sont évaporés dans la nature.
378. Car, après la victoire du #FPR, la plupart des génocidaires évoqués dans ce fil fuient le Rwanda, dans le sillage du Gouvernement Intérimaire qui vient de mettre en oeuvre le génocide. Ils gagnent le Zaïre, protégés par les militaires français de l’Opération #Turquoise.
379. Le 8 novembre 1994, le Conseil de Sécurité des @UN créé un Tribunal pénal international pour le #Rwanda (#TPIR). Il est basé à #Arusha (Tanzanie), et il possède des bureaux à Kigali (Rwanda). Quant à sa Chambre d’appel se trouve à La Haye (Pays-Bas).
380. Son mandat était de « juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du Droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et sur les territoires d’États voisins entre le 1er janvier 1994 et 31 décembre 1994 ».
381. Ce dernier lance des mandats d’arrêt, notamment contre Tharcisse #Renzaho. Les années suivantes, celui-ci va errer en Afrique centrale et australe, dans le but d’esquiver la justice. En 1997 et 2000, il échappe à des coup de filet tendus par la police au Kenya et Zambie.
382. Mais le 26 septembre 2002, il est arrêté en #RDC et remis au #TPIR le 29 septembre 2002. En tant que colonel des #FAR dont le contrôle s´étendait aux bourgmestres, conseillers de secteur, personnel administratif, gendarmes, police communale, #Interahamwe et civils armés.
383. L’acte d’accusation du #TPIR, établi le 11 novembre 2002, contient 2 chefs d'accusation :

1- génocide OU, alternativement
2- complicité dans le génocide ET
3- assassinat en tant que crime contre l´humanité.
384. Le 18 mars 2005, suite à la découverte d’éléments nouveaux qui n’étaient pas disponibles au moment de la confirmation de l’acte d’accusation initial, le procureur du #TPIR fut autorité à modifier l´acte d’accusation initial pour y ajouter trois chefs d’accusation :
385.

3- Viol comme crime contre l´humanité
5- Atteintes à la vie, santé, bien-être physique/mental, meurtre, traitements cruels (torture, mutilations)
6- Atteintes à la dignité, traitements humiliants/dégradants, viol, contrainte à la prostitution, attentat à la pudeur.
386. Lors de sa comparution initiale le 21 novembre 2002 devant la deuxième chambre de première instance du TPIR, le préfet Tharcisse #Renzaho plaida non coupable. Le 3 juin 2005, lors d´une 2ème comparution, il plaida non coupable a l´égard de la totalité des chefs d´accusation.
📌

“ Tout le monde, tôt ou tard, s’assied à un banquet de conséquences.”

― Robert Louis Stevenson (écrivain écossais)

#LaViedeRose #Justice #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
387. Le procès de Tharcisse #Renzaho s’est ouvert le 8 janvier 2007 (Affaire n° ICTR-97-31-T) devant la Chambre de Première Instance du #TPIR, 12 ans après le génocide. Parmi ses conclusions, nous ne citont que ceux qui ont, de près ou de loin, un rapport avec Rose et sa famille.
388. A partir du 7 avril 1998, des barrières ont été établis à des lieux stratégiques de la ville de #Kigali. Ils étaient tenus par des militaires/miliciens et des civils armés, qui triaient la population aux barrières, sur base de la carte d’identité et/ou de la physionomie.
389. La Chambre a estimé que l'accusé, en tant que prefet de la ville, est à l’origine de ces barrages. Lors de réunions avec les autorités locales, il leur a donné l’ordre de les établir, notamment la barrière du Péage, sur laquelle le mari et les fils de Rose ont été tués.
390. La Chambre a établi, au dela de tout doute raisonnable, que l'accusé était présent au CELA le 22 avril 1994 et que, avec l’assistance de #Mukandutiye et #Nyirabagenzi, il a ordonné la sélection et le meurtre des hommes #Tutsi, parmi lesquels le mari de Rose et ses deux fils.
391. La Chambre a établi, au dela de tout doute raisonnable, que #Renzaho se trouvait, le 17 juin 1994, à l’Eglise Sainte-Famille lors de l'attaque qui a emporté la fille de Rose. Il a donné l’ordre aux #Interahamwe de tuer, c'est lui qui a ordonné l'arrêt du massacre.
392. La Chambre a estimé que, du fait du contexte et de la sélection effectuée par les miliciens, en tuant délibérément les #Tutsi réfugiés au #CELA et à l’église de la Sainte-Famille sur ordre de #Renzaho, les assaillants étaient clairement animés d’« intention de #génocide ».
393. La Chambre a conclu que, lors d’une réunion, #Renzaho s’était opposé au meurtre d’une femme Tutsi parce qu’elle était de « la nourriture pour les miliciens ». Par la suite, elle avait été violée par les miliciens/militaires qui « travaillaient » avec #Nyirabagenzi.
394. Statuant à l’unanimité, la Chambre a conclu que Tharcisse #Renzaho était coupable de #génocide, d’#assassinat et de #viol constitutif de #crimecontrelhumanité, de #meurtre et de viol constitutif de violation grave de la Convention de Genève.
395. Compte tenu de la gravité des crimes commis par Tharcisse Renzaho, qui ont causé des souffrances humaines indicibles, de sa fonction de préfet, de son autorité et de son influence, la Chambre de Première Instance du #TPIR l’a condamné, le 14 juillet 2007, à LA PRISON A VIE.
396. Avec l'aide de son avocat français @fpcantier, Tharcisse #Renzaho a fait appel. Fondateur d'Avocats Sans Frontières (officine française de #WhiteExperts) l'homme est un de ceux qui donnent encore un avis sur le #Rwanda... après avoir défendu un chacal
397. Mais le 1 avril 2011, la Chambre d’appel du #TPIR confirme la condamnation de la peine de prison à perpétuité pour Tharcisse #Renzaho. Actuellement, l'homme qui a planifié et ordonné le meurtre du mari et des fils de Rose purge sa peine dans une prison du #Mali.
📌
“ Quant au sang, votre principe de vie, j’en demanderai compte à tout homme ; à chacun, je demanderai compte de la vie de l’homme, son frère.”

― Livre de la Genèse 19 : 5

#LaViedeRose #TPIR #Justice #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
398. Nous évoquons aujourd’hui le sort de quatre des principaux bourreaux de la famille de Rose :

1. Le Général Major #LaurentMunyakazi
2. Le Bourgmettre #JeanBizimana
3. L’Inspectrice #AngélineMukandutiye
4. La Conseillère #OdetteNyirabagenzi
399. En 1994, Laurent Munyakazi était responsable de la Gendarmerie mobile de #Kigali et du camp Muhima, où le mari et les fils de Rose furent brièvement détenus avant leur exécution sur le barrage du Péage.
Après le génocide, il fut réintégrée dans l’Armée Rwandaise (#APR).
400. Mais en mai 2005, durant le #Gacaca du secteur #Rugenge, où vivaient les Rwanga, des rescapés l’accusèrent d’avoir participé au génocide. Ces accusations et sa position le plaçant au rang de planificateur, il fut arrété le 5 septembre 2005 et transferé devant un tribunal.
401. A noter que les rescapés accusaient, entre autres, le militaire haut gradé d’avoir tenté d’abuser de sa position pour les intimider, et pour falsifier les preuves de sa responsabilité et de sa participation aux événements survenus à l'Eglise de la Sainte-Famille et au #CELA.
402. En tant que militaire – entretemps, il était devenu Général-Major, Laurent Munyakazi a comparu devant la Cour Martiale, qui l’a reconnu coupable de 13 chefs d’accusation, dont le génocide, le complot en vue d’assassinat, ainsi que distribution d’armes aux #Interahamwe.
403. Pour son rôle dans le génocide des Tutsi du Rwanda, Laurent Munyakazi a écopé de la prison à perpétuité. Déchu de ses grades militaires, il est mort de maladie le 17 septembre 2013, alors qu'il purgeait sa peine.
404. Arrêté en 1998 #JeanBizimana, bourgmettre de la commune urbaine de #Nyarugenge en 1994 – où se trouvent Sainte-Famille et le #CELA – a été condamné en 2009 à 30 ans de prison par la juridiction #Gacaca pour faits de génocide (incluant les meurtres du mari/des fils de Rose).
405. Venons-en aux femmes génocidaires : Angéline #Mukandutiye, inspectrice scolaire et chef des Interahamwe de #Rugenge, et sa complice Odette #Nyirabagenzi, conseillère du secteur #Rugenge.
406. Ces deux #Interahamwe n’ont été jamais jugées, et pour cause : elles ont fui vers le Zaïre dans le sillage du Gouvernement Intérimaire. Réfugiées dans les camps érigés, après le génocide, à la frontière du #Rwanda, elles se sont, par la suite, évaporées dans la nature.
407. On n'a pas d'informations sur ce qu'est devenue Odette #Nyirabagenzi.
Condamnée à la prison à vie par contumace par la juridiction populaire #Gacaca de #Rugenge, on n’a plus eu de nouvelles d’elle après son départ en juillet 1994 dans le sillage du Gouvernement Intérimaire.
408. Mais on sait qu'Angéline #Mukandutiye, réfugiée dans le camp de #Katale, érigé au nord de la ville de #Goma, fut engagée par une #ONG humanitaire pour « s’occuper des personnes traumatisées par la guerre ». #WhiteExperts
odihpn.org/magazine/women…
409. Un journaliste curieux se rendit un jour dans les locaux de cette #ONG. Ils tombèrent des nues en apprenant, preuves à l'appui, que la femme qu’ils avaient engagée était, en réalité, une génocidaire qui avait organisé et mis en oeuvre le massacre de milliers de Tutsi.
📌
“Il se passera du temps encore avant que la justice des hommes ait fait sa jonction avec la Justice.”.”

― Victor Hugo (poète, dramaturge et romancier français)

#LaViedeRose #bourreaux #génocidaires #Justice #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
410. Un personnage a joué un rôle particulier dans le drame de Rose, parce qu'il était catholique comme elle et que sa famille avait confiance en lui : le père Wenceslas #Munyeshyaka, qui était alors vicaire de la Paroisse de la Sainte-Famille, où il était responsable des jeunes.
411. Après 1994, Rose a évoqué la responsabilité du père Wenceslas #Munyeshyaka dans la mort des siens, et en particulier celle de sa fille, que le prêtre aurait refusé de cacher. Avec d’autres rescapés, elle a porté plainte contre lui devant les tribunaux rwandais et français.
412. En juillet 1994, le prêtre choisit de s’exiler dans le sillage du Gouvernement Intérimaire, à l'Est de l'ex-Zaïre. Le 2 août 1994, il signe la Lettre des prêtres du Rwanda réfugiés à Goma adressée au pape Jean-Paul II » dans laquelle le génocide des Tutsi du #Rwanda est nié.
413. A la demande des responsables parisiens des Pères Blancs de Paris, Mgr Jacques David, membre d'une mission épiscopale envoyée au Rwanda durant l'été 1994, facilite son exil de Goma à Paris. En particulier, on lui fournitgracieusement un visa long séjour et un billet d'avion.
414. Il est accueilli chaleureusement à Paris, mais l'Eglise de France décide qu'il doit « se remettre à niveau, côté pastoral ». Il est d'abord envoyé en en Ardèche, puis à #Gisors, dans le Diocèse d’Evreux (Eure). En juin 2001, il deviendra leur curé de la paroisse de Gisors.
415. Entretemps, dès le 12 juillet 1995, les rescapés du génocide des Tutsi, parmi lesquels Rose, ont porté plainte. #Munyeshyaka sera ainsi le premier #Rwanda-is résidant en France contre lequel une plainte sera déposée pour son implication présumée dans le génocide des Tutsi.
416. Le 25 juillet 1995, se fondant sur le principe de compétence universelle un juge d'instruction ouvre une information judiciaire pour «génocide, crimes contre l’humanité et participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation de ces crimes.
417. Le 20 mars 1996, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Nîmes déclare le que la France incompétente. Mais le 6 janvier 1998, suite à la transposition du Statut du #TPIR en droit français, la chambre criminelle de la Cour de cassation ordonne la reprise des poursuites.
418. Le 23 juin 1999, l'affaire est renvoyée devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris. En octobre 2000, le juge d’instruction parisien ordonne 2 commissions rogatoires internationales soient menées au Rwanda afin de procéder à l’audition de près de 70 témoins.
419. Mais en 2004, aucune commission rogatoire n’a encore été exécutée. Le 8 juin 2004, la Cour Européeenne des Droits de l’Homme (CEDH), saisie une des plaignantes de l’affaire, condamné la France pour sa « méconnaissance du principe du délai raisonnable » dans l'instruction.
420. En clair, la Justice française est condamnée pour son exceptionnelle inertie. Notez que celle-ci, qui est la règle dans les affaires concernant les génocidaires rwandais, n’a rien d’accidentel (cfr intervention de @justinebrabant à la 43’35’’) ⬇️ 
421. Ainsi le Rwanda a envoyé à la France 41 mises en accusation de suspects vivant sur le territoire français (il y en a probablement plus), contre lesquels il y a eu des accusations dès 1995. Un quart de siècle plus tard, il n'y a eu, en tout et pour tout, que 3 condamnations.
422. Ainsi, le mandat d’arrêt lancé par les autorités judiciaires du #Rwanda contre le prêtre n’aura aucune suite. Par conséquent, c’est par contumace que le père Wenceslas #Munyeshyaka sera condamné, en 2006, à la prison à perpétuité pour crime de #génocide .
📌
“Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois, et avec les couleurs de la justice.”

#Montesquieu (penseur politique et écrivain français )

#LaViedeRose #France #Rwanda #génocide #Justice #Kwibuka25

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423. Wenceslas #Munyeshyaka aura « l’honneur », avec Laurent #Bucyibaruta, ancien préfet de la #Gikongoro (sud-ouest du Rwanda) d’être le premier Rwandais résidant en France, à avoir été formellement accusé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (#TPIR).
424. En septembre 2007, un mandat d'arrêt est lancé lui. Il est accusé par les rescapés d’avoir organisé plusieurs massacres parmi les Tutsis réfugiés dans sa paroisse, et d’en avoir tué lui-même. Mais ce mandat n’aura pas plus d’effet que celui délivré par le #Rwanda.
425. Arrêté le 20 juillet, le prêtre est libéré le 1er août 2007. Suite à un 2nd mandat du #TPIR, il est à remis en liberté le 20 septembre sous contrôle judiciaire par la cour d'appel de Paris. Cette 2nd remise en liberté a été qualifiée de « péripétie judiciaire » par le TPIR.
426. Cette remise a liberté est la conséquence du renvoi de l’affaire #Munyeshyaka aux autorités françaises. Le TPIR, qui avait demandé l’extradition de Munyeshyaka, avait renoncé à cette extradition le 30 janvier 2008, en demandant à la France de les juger.
427. En octobre 2015, les juges accordent un non-lieu. Après une procédure longue et des rebondissements, et tout en reconnaissant qu’il a joué « un rôle trouble », ils estiment que la « passivité »de #Munyeshyaka ne peut suffire à ordonner son renvoi devant la cour d'assises.
428. Le 21 juin 2018, soit 24 ans après les faits, la Cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu prononcé en 2015. La justice française a blanchi le prêtre qui, selon Rose et d'autres rescapés, avait participé aux massacres des Tutsi réfugiés dans la paroisse Sainte-Famille.
📌
“Il y a deux sortes de justice :
Vous avez l’avocat qui connaît bien la loi,
et l’avocat qui connaît bien le juge.”

― dit Coluche (artiste et comique français)

#LaViedeRose #France #Justice #Kwibuka25

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429. « Mu kinyarwanda baravuga ngo : ‘ Amaraso arasama’. Sijye wishe, nariciwe. Aliko nanjye sindi muzima. N’uwishe ntacyo byamumariye. Wenda nawe ashobora kuba afite indwara zirenze izo mfite ».
429b. (Un proverbe rwandais dit que : « le sang d’autrui colle à la peau». Ce n’est pas moi qui ait tué, on a tué les miens. Leur mort a affecté ma santé. Mais celui qui a tué n’en a retiré aucun bénéfice. Peut-être qu’il a même plus de maladies que moi).
430. « Tugize Imana isi ikaba nziza tukumva ko kumena amaraso y’umuntu ari bibi, njyewe nanezerwa. Nakumva ko tumaze kugera ku rukundo Imana Ishaka. Ku rukundo rwatumye Umwana w’Imana aba sacrifié. Kubwanjye n’uko mbyumva. »
430b. (Si nous avions la chance devoir un monde bienveillant, et comprenions qu'il est mal de verser le sang d’autrui, j'en serai si heureuse. Je saurai alors que nous avons fait un pas vers l’amour que Dieu veut, cet Amour pour lequel Il a sacrifié son Fils. C’est mon opinion)
431. « Jyewe mbona ko icyafasha u #Rwanda, urubyiruko rw’u Rwanda, n’Abanyarwanda nyuma ya Jenoside, n’uko abantu babana bagahana imbabazi. Nicyo cya ngombwa. Kandi imbabazi zivuye kushoboye kuzitanga, ubyiyumvamo ntategeko ririmo ».
431b (Je pense que ce qui pourrait aider le #Rwanda, sa jeunesse et les Rwandais, c’est que les gens vivent ensemble et se pardonnent. Le pardon est essentiel. Mais il doit être donné par ceux qui le peuvent, ceux qui y arrivent, sans impératif aucun)
432. « Ukumva umutima ukubwira amagambo wabwira abandi kugirango tugero ku kintu cy’uko twese tuba Abanyarwanda bamwe. Icyo gihe urubyiruko rwacu narwo rwareberaho, rugakura rufite umutima ukunda ».
432b. (Le coeur de chacun lui dicterait alors les paroles qui doivent être dites, afin que nous parvenions devenions un peuple uni. A ce moment là, notre jeunesse trouverait en nous un exemple à suivre, et grandirait en ayant un cœur qui aime).
433. « Naho gukura umuntu wese yibonamo Hutu undi yibonamo Tutsi, ntacyo byatugezaho. Ntanagito. Abashoboye gukosora bakosore. Kandi gukosora kwiza, n’ukubanisha abato. Abato bakabana ».
433b (Par contre, grandir en se voyant chacun comme Hutu ou Tutsi d’abord, ne nous fera pas avancer. En rien. Ceux qui peuvent encore rectifier le tir, qu’ils le fassent. Et la meilleure rectification serait d'apprendre aux jeunes à vivre ensemble. Alors ils vivraient ensemble).
434. Rose Murorunkwere Rwanga, est décédée à Montréal en novembre 2009, à l'âge de 64 ans. Quinze ans après le génocide des Tutsi qui a emporté mari et ses enfants, elle est retournée vers le Père et vers les siens. Avant de quitter ce monde, elle a pardonné à ses bourreaux.
435. Avant sa mort, Rose a donné une interview (89’) en #kinyarwanda aupère Callixte Kabayiza et Monique Mukabalisa, que j'ai utilisée (plus les souvenirs, témoignages et les procès) pour construire ce thread. L'interview se termine par son #testament. vimeo.com/294138067
📌
“ Mais je sais, moi, que mon rédempteur est vivant,
que, le dernier, il se lèvera sur la poussière ;
et quand bien même on m’arracherait la peau,
de ma chair je verrai Dieu.”

― Livre de Job 16 : 25

#LaViedeRose #InMemoriam #legs #Kwibuka25

(À demain, même rue, même heure)
436. Ici prend fin #laViedeRose🌹. J'irai bientôt au Mémorial visiter des amis avec lesquels j’ai grandi, sans savoir que je ne les verrai pas vieillir. Pour affronter leur mort, il aura fallu passer par le calvaire d'une mère broyée par le dernier génocide du 20e siècle. #RwOT🇷🇼
437. "L’ami de l’ombre" (#poème pour lever de deuil) :
1. C'est fait, ami de l’ombre, ressort de mon enfance
Affrontant le passé, j’ai bravé la pénombre
Du calvaire de ta mère, j’ai extrait ton errance
Sur ses pas trébuchants, j’ai poursuivi ton ombre
2. De cette dure traversée, j’ai atteint le rivage
Une fois hors de la mer, je viendrai sur ta tombe
Sur le rempart des morts, je suivrai le passage
Du temps qui file en trombe, depuis cette hécatombe
3. Du fond de ce sépulcre, j'extrairai les souvenirs
Qui gisent avec ton corps, dans cet immense caveau
La galérie des photos, me rendra ton avenir
De nos pactes d’antan, j’extrairai les lambeaux
4. L’espace d'une belle journée, nous serons face à face
Faisant fi du trépas, nous reprendrons le fil
Des instants suspendus, et cette mémoire fugace
De nos heures insouciantes, transformées en vigile
5. Sur la terre de nos pères, nous marcherons sur l’herbe
Nous passerons en revue, ce qui aurait pu être
Nous égrènerons le temps, les heures des jours imberbes
Ce qui n’a pas été, nous le ferons renaître
6. Une fois la trêve finie, je te laisserai aller
Marchant en sens inverse, comme aux jours d’autrefois,
Je te raccompagnerai, hors de cette vieille vallée
Jusqu’à de nos retrouvailles, confins de notre foi
7. C'est fait, ami de l’ombre, parti sans préavis,
La douleur de ta mère est devenue injonction,
En retraçant sa croix, j’ai retrouvé ta vie.
Et de vos existences, enfin j’ai fait jonction.
📌
“ À chaque fois que j’écris un mot, une lettre, il apparaît.
Si je marche sur un chemin et vois un homme au loin
Je pense toujours à quelqu’un de ma jeunesse.
Presque tous ont disparu.”

― Emilienne Mukansoro (rescapée)

#laViedeRose🌹#Kwibuka25

(À bientôt dans la vraie vie)
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