Une armure, c’est gênant, lourd, encombrant, et en plus, c’est moche.
Mis à part l’aspect esthétique, qui se défend, le reste est, encore une fois, très faux, très erroné.
Figurez vous qu'un combattant combat mieux en armure que sans. Petit #thread relou.

Commençons par quelques précisions : il y a autant d’armures que d’hommes, autant d’armures que de périodes, autant d’armures que de corps, autant d’armures que d’armes. D’ailleurs, c’est un abus que de séparer les deux : une armure est une arme. Défensive, mais une arme.

Tout, ou presque tt, a été inventé pour protéger le corps. On trouve des exemplaires d’armures complètes à l’époque mycénienne, comme la panoplie de Dendra, bien lourde, probablement conçue pour une activité martiale montée sur char. Je ne crois pas à l'hypothèse piéton.

Tiens, parlons d'une armure de piéton : la lorica segmentata, ou "en segments". Une protection rigide, constituée de plaques de métal, en fer (ou acier aux endroits + frappés). N'étant pas spécialiste de l'équipement romain, je n'en dis pas +. poke @ClementSalviani

On pourrait parler des armures de maille (des anneaux assemblés et soudés pour absorber un choc et se déformer sans craquer sous la pression), des armures d'écailles, comme celles représentées sous la dynastie Qin.

Tt ces armures ont 1 objectif : protéger. Oh surprise, elles protègent. Elles le protègent bien. Tellement que tout le monde préfère combattre en armure que sans. Par exemple, un maître duelliste (Magister dimicator/scarmitor) du XIVe dit qu'à choisir, il prend l'armure.

La raison principale, toujours selon un maître d'arts martiaux du XIVe siècle, c'est que l'on peut recevoir de nombreux coups et remporter le combat, alors que sans armure, le moindre coup reçu signe la fin et la défaite.

Alors que l'armure permet de prendre coup après coup sans perdre une main, un pied, une tête ou une dignité. Bon, évidemment, il y a des armes conçues pour traverser ou endommager une armure, mais bon, c'est une autre histoire. Un peu comme celle des obus flèche.

Alors, je vous vois. Vous vous dites "oui, ok, une armure ça marche. Mais comme on peut pas bouger dedans, c'est quand même limité.". Ben non. Figurez vous qu'on est pas limité pour le combat, quand on a une armure. Pour la Carioca, oui, par contre, c'est un peu plus certain.

Parlons donc d'une expérience menée en 2011-2012, par le docteur D. Jaquet, dans 3 laboratoires suisses (UOTS, HUG et Fondation Artanim). Une série de tests et expériences destinés à mesurer comment le corps réagit avec une armure rigide du XIV/XVe siècle de 39.8 kilos.

Trois choses ont été mesurées :
1-Echanges gazeux avec/sans armure
2-Degré d'amplitude du mouvement pendant la marche avec/sans armure
3-Degré d'amplitude du mouvement pendant le combat, avec/sans armure.
Pour les gens curieux, les tests sont décrits là. tandfonline.com/doi/abs/10.108…

Les conclusions sont épiques. D'abord, le souffle. Pas de surprise, un homme consomme plus d'air avec armure que sans. Mais, fait rigolo, c'est une dépense à la fois normale et parfaitement gérable par le corps. Mieux, même, puisque ce n'est pas un sac a dos.

Même entre marche et course en armure, la dépense énergétique calculée est minime, en tt cas inférieure à ce qu'on pouvait attendre (3.25kcal).

L'amplitude pendant la marche : là encore, pas de surprise, l'armure entrave partiellement la marche, mais ne l'empêche pas (diff de 2.48°). Les écarts sont même très faibles suivant les articulations. Par exemple, les genoux sont très peu gênés, à l'inverse des chevilles.

Plus rigolo, certaines articulations ont un mouvement d'amplitude PLUS IMPORTANT en armure que sans. Comme les hanches. Oui, on bouge mieux les hanches en armure que sans, à cause de la forme et du poids des parties d'armures qui utilisent la gravité pour amplifier naturellement.

Le chercheur s'est donc intéressé à l'amplitude permise par l'armure, et les découvertes ont continué. Ainsi, on observe que l'amplitude des articulations métalliques ne correspond pas à celle du corps. Parfois plus importantes, parfois plus faibles.

L'hypothèse, qui tend à se vérifier, c'est que ces variations sont voulues. Telle articulation est bloquée dans son armure pour empêcher l'adversaire de la briser (par exemple, l'épaule est encastrée dans l'armure, on ne peut pas la briser normalement comme on le fait sans).

Telle articulation est au contraire plus lâche, parceque l'adversaire ne peut que difficilement la briser, tandis qu'elle demande plus d'amplitude a cause de l'outil manié et de son poids qui accentue les mouvements.

L'armure semble donc conçue pour protéger, certes. Mais aussi pour maximiser les capacités du corps humain en combat.
L'armure est donc plus qu'une protection, c'est littéralement (pour le test réalisé par Jaquet) une espèce d'exosquelette passif spécialisé pour 1 tâche.

Une armure, ce n'est donc pas une contrainte pour le combattant. C'est un atout, pour la protection, le mouvement, la résistance aux fractures et même la marche. Finissons par ce bref extrait de la vie de Jehan le Maingre, IXVe siècle, pour avoir une idée des pratiques en armure.

"Il essayait de bondir sur le cheval alors qu’il portait l’armure. Puis une autre fois, il courait longtemps, à pied, pour entraîner son souffle et son endurance à l’effort. Une autre fois, encore, il prenait une hache ou un marteau bien lourd, pour s’habituer à son harnois..."

"...et endurcir ses bras et ses mains, les habituer à frapper longtemps et à se lever avec légèreté. Il avait tellement exercé son corps à ces exercices que de son vivant, il n’y avait pas d’homme capable d’exploits pareils. "

"Il était capable de faire une cabriole entière avec son armure, casque compris. Quand il dansait, il pouvait le faire avec son vêtement d’acier, sans gêne. Il pouvait également bondir sur un cheval sans mettre le pied à l’étrier, avec son armure entière."

D'ailleurs, je repense du coup à GoT et au rôle des armures dans la narration de la violence armée. Poke à @NotaBeneMovies : ya déja eu un truc fait sur les combats individuels et le duel dans l'oeuvre de Martin ?