La semaine dernière a eu lieu la présentation par @BP_plc de la 68ème édition de sa célèbre publication de données Statistical Review of World Energy.

Le PDG du groupe a annoncé la couleur : « le monde n’est pas sur une voie soutenable »

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En 2018, la consommation d’énergie mondiale a augmenté de 3%, et les émissions de CO2 ont augmenté de 2%.

C’est la plus forte hausse depuis 7 ans.

Cette croissance en énergie a été en premier lieu du fait de la Chine.
La croissance des États-Unis est remarquable car c’est la plus forte hausse depuis 30 ans.

Chine, États-Unis et Inde comptent pour les deux tiers de la croissance en énergie.

Une partie de cette croissance provient du rebond industriel de la Chine.

Après une décennie 2004-2014 de hausse tout azimut (barre rouge), il y a eu 2 ans de stagnation (barre marron) et ces 2 dernières années il y a eu à nouveau hausse de la production de fer et d’acier.

Dans le monde, l’énergie qui a le plus contribué à la croissance et de loin, c’est le gaz.

Si on lui ajoute le charbon et le pétrole on obtient que 70% de la hausse de l’énergie a été assurée par des fossiles.

Les améliorations apportées au mix énergétique (en jaune) sont constant depuis de nombreuses années, ont été en 2018 plus que largement compensé par la hausse de la demande en énergie (violet), ce qui a abouti à la hausse de 2% des émissions de CO2.

Pour le pétrole, la hausse de consommation a été de +1.5 millions de barils par jour (oui c’est énorme), principalement aux États-Unis (plus forte hausse depuis 10 ans) et en Chine.

La moitié de l’augmentation a été des produits pour la pétrochimie (naphta, GPL, …)

La production mondiale de pétrole a elle augmenté de 2.2 millions de barils par jour, en très grande majorité du fait des États-Unis qui à eux seuls ont augmenté leur production de 2.2 millions barils/jour, les baisses et hausses des autres pays se compensant.

Une hausse annuelle de 2.2 millions de barils par jour, c’est tout simplement la plus forte hausse de l’histoire pour un pays, ça n’était jamais arrivé auparavant.

Depuis 2011 et le boum du pétrole de schiste, la production US a augmenté de 7 millions de barils/jour, soit grosso-modo l’équivalent des exports de l’Arabie Saoudite.

Malgré ça, les États-Unis ne sont pas auto-suffisants et importent encore 3 millions de barils/jour…

Le gaz se porte bien avec une augmentation tant de la consommation que de la production de 5%, une des plus fortes hausses en 30 ans.

Les États-Unis ont été responsables de 40% de la hausse de la consommation, et de 45% de la hausse de la production.

Ce qui fait d’eux les détenteurs de 2 records uniques : la plus forte hausse de l’histoire pour la production de pétrole ET de gaz ! 😯

La hausse de la consommation de gaz des États-Unis en 2018 est de 78 milliards de m3 de gaz.

Pour mettre en contexte, cette hausse représente la totalité de la consommation en gaz du Royaume-Uni.

L’expansion du gaz aux États-Unis est principalement dans la génération électrique (la moitié de la hausse), ce qui a permis d’évincer l’année dernière 17 GW de centrales à charbon.

La consommation en gaz de la Chine a augmenté l’année dernière d’un incroyable 18%, qui résulte d’une forte politique de transition du charbon vers gaz.

Les officiels chinois estiment qu’environ 10 millions de logements sont passés du charbon au gaz en 2 ans.

En Europe, plus de 60% du gaz consommé est importé de Russie via des pipelines.
C’est une dépendance énergétique très préoccupante.

La hausse record du gaz n’a pas empêché le charbon d’augmenter aussi avec sa plus forte hausse depuis 5 ans, très majoritairement en Chine et en Inde.

Ceci laisse supposer que le pic mondial de consommation du charbon de 2013 pourrait être battu d'ici 2 ans.

La demande en électricité a augmenté de 3.7%, c’est l'un des taux de croissance les plus élevés depuis 20 ans.

La Chine et l’Inde représentent les deux tiers de cette hausse.

Côté production, les premiers contributeurs à cette hausse ont été les renouvelables quasi ex-aequo avec le charbon, et suivi de très près par le gaz.

La croissance des renouvelables est portée à 45% par la Chine, ce qui représente plus que tous les pays de l’OCDE combinés.

Les productions des éoliennes et du solaire sont quasiment identiques, et à leur plus haut niveau.

La pénétration des renouvelables est largement visible sur les 78 pays documentés en détails par BP.

Les 13 pays avec +20% de pénétration sont tous Européens, à l’exception de la Nouvelle Zélande.

Malgré cette augmentation des renouvelables années après années, le mix électrique reste désespérément plat, la part des fossiles et non fossiles étant au même niveau qu’il y a 20 ans.

38% de charbon en 1998
38% de charbon en 2018

Cette constance dans le mix électrique a une conséquence très importante : une transition vers une plus grande électrification des usages est utile seulement si l’électricité est décarbonée.

Autrement ça ne fait que déporter de la pollution.

Les émissions dans le secteur électrique ont continué à la hausse en 2018, la plus forte augmentation depuis 7 ans.

En 20 ans, l’intensité carbone du mix électrique n’a que peu baissé, de sorte que chaque hausse de la consommation entrainait une hausse des émissions.

Sur les 5 dernières années cependant, la croissance rapide des renouvelables et le remplacement du charbon par du gaz ont permis de diminuer l’intensité carbone, et donc de compenser la hausse de la demande.

Mais depuis 3 ans, le rythme de croissance de l’électricité a poussé les émissions à la hausse.

Il n’a pas été possible de décarboner le système électrique suffisamment vite, ne serait-ce que pour compenser la hausse de la consommation.

Pour avoir des émissions non pas croissantes mais simplement constantes, il aurait été nécessaire :
- soit d’ajouter en plus la totalité des renouvelables de la Chine et des États-Unis
- soit de passer 10% du charbon au gaz

Les renouvelables ont une très faible part dans la production électrique par rapport au charbon, donc pour avoir le même effet il faut faire proportionnellement beaucoup plus d’efforts.

La demande toujours croissante ajoute beaucoup de difficultés pour décarboner l’électricité.

« Il faut courir vite juste pour ne pas bouger »

« S’en remettre seulement aux renouvelables pour réussir cette tâche est impossible. »

« La croissance rapide des renouvelables est essentielle, mais il est peu probable qu'elle soit suffisante. »

Cela souligne l'importance d'adopter une gamme de technologies et de combustibles plutôt que de s’en remettre uniquement aux renouvelables pour gagner la course vers l’accord de Paris.

Transition charbon vers gaz à large échelle, capture et séquestration de carbone, et efficacité énergétique, surtout dans les pays développés où la majorité des habitants profitent déjà d’une consommation d’électricité élevée.

« Au moment où la société exige de plus en plus une transition accélérée vers un système à faible intensité carbone, les données pour 2018 brossent un tableau inquiétant, la demande énergétique et les émissions augmentant au rythme le plus rapide observé depuis des années. »

« Ce qui semble assez clair, c'est que le rythme réel des progrès est bien en deçà de la transition accélérée envisagée par les objectifs climatiques de Paris.

Les événements de l'année dernière sonnent encore une fois l'alarme : le monde est sur une voie insoutenable. »

#Fin