Aller on repart sur un #thread où l'on va parler d'une étude parue la semaine dernière qui remet en cause le caractère inerte du #E171 car il altèrerait le microbiome intestinal des souris !

Dioxyde de titane, TiO2, le scandale continue ? Voyons cela !

frontiersin.org/articles/10.33…

Les auteurs ont étudié l'impact d'un régime avec du E171 à différentes doses sur la flore intestinale chez la souris. Pour cela, ils les ont nourri pendant 3 à 4 semaines en ajoutant dans leur eau du TiO2 à différentes concentrations.

Il faut savoir que jusqu'à maintenant, il y a eu très peu d'études concernant l'effet du TiO2 ingéré. Une étude court-terme a été menée, où l'ingestion se faisait à une concentration de 2,5 mg/kg pc/j pendant 1 semaine et à 100 mg/kg pc/j pendant 1 mois. Peu de données donc.

Les auteurs ont donc décidé de s'atteler à utiliser différentes concentrations (de 2 à 50 mg/kg pc/j pendant 3-4 semaines) et c'est déjà un bon point ! On y reviendra plus tard dans le thread.

Autre bon point important : les caractérisations du E171. Elles sont effectuées dans l'eau que boiront les souris, ainsi on se rapproche des caractéristiques que sont censées avoir les particules dans les conditions des expériences suivantes. On réduit les biais, c'est cool.

Je le relève parce que jusqu'à maintenant les particules utilisées ensuite in vivo étaient souvent caractérisées dans des conditions d'analyse peu représentatives et avec des échantillons de particules industrielles ayant peu de chances de se retrouver in vivo.

C'était un biais méthodologique relevé notamment par l'EFSA lorsqu'elle avait remis en cause la réévaluation du TiO2 alors qu'on lui avait présenté de nouvelles études. Dans le cas présent, on s'en prémunit un peu donc.

Concernant l'administration du TiO2, le seul point qui me paraît douteux est la sonication de l'eau contenant les particules - en gros l'utilisation d'impulsion ultra-sons afin de disperser les particules. Le TiO2 a tendance à s'agréger en solution. On influence les observations.

( Parenthèse : lorsqu'on vous parle de "nanoparticules de dioxyde de titane", on doit se retrouver dans la définition législative de nanoparticule (pas super scientifique mais bon) : des nanomatériaux dont + de 50% de l'échantillon ont une taille <100nm.

SAUF QUE il sera rare de retrouver des nanoparticules en solution car elles auront tendance, selon le type de particule mais cela concerne le TiO2, à former des agrégats de plus grande taille. )

Revenons aux résultats de l'étude maintenant.

Caractéristiques du E171 : il semblerait qu'on retrouve 4 groupes selon la taille, ce qui indique une très grande polydispersité du TiO2. Un truc important, c'est l'agencement cristallin. On retrouve en majorité de l'anatase.

Or, on avait déjà observé une toxicité plus accrue de l'anatase comparée au rutile (facteur 100) chez la souris. Cela semble important à noter du coup.

Impact du microbiome : le TiO2 n'aurait quasiment pas d'impact, quelle que soit la dose, sur la diversité de bactéries. On observe cependant des modifications au niveau des gènes des bactéries et un clustering plus important, aux hautes doses surtout.

Le TiO2 impacterait surtout l'activité bactérienne. Dans les doses à 10 et 50 mg/kg pc/j, il y a une + grande production de TMA, un métabolite associé à l'athérosclérose. A 50mg/kg pc/j on observe également une + grande prod de SCFA impactant l'interaction hôte-bactérie.

Je vous avoue, je suis dubitatif au vu de la taille d'échantillon et de l'écart à la moyenne, mais un impact est tout de même visible à haute dose même s'il est assez versatile. Cela demandera sûrement plus de données pour corroborer les observations.

Les auteurs ont testé la capacité du TiO2 à promouvoir la formation de biofilms par d'autres bactéries et celles de la flore intest, souvent associés à des maladies colorectales (et des cancers, accessoirement). In vitro, il y a un effet promoteur également à 10 et 50 mg/kg pc/j.

Les cancers colorectaux étant associés à la perméabilité de l'intestin, ils ont aussi testé l'effet du TiO2 sur cette dernière : pas d'impact du TiO2. Par contre, il impacterait l'homéostasie de l'intestin par la promotion de prod de peptides antimicrobiens.

Et à haute dose (50 mg/kg pc/j) on observe une relative augmentation de réactions inflammatoires et de réponses immunitaires. Mais je vous avoue que niveau immunologie, j'ai quelques limites d'interprétation.

Que retenir ? Et bien déjà il est peu probable que le TiO2 altère la flore intestinale chez l'homme. Les prises à haute dose sur la durée ont l'air de modifier l'activité de cette flore, mais il est peu probable que le E171 promeuve le cancer de l'appareil digestif.

Ensuite, il est important de noter que la consommation moyenne et quotidienne du quidam occidental se situe entre 0,7 et 5,9 mg/kg pc/j, et chez les enfants on est à 32 mg/kg pc/j au maximum. Loin donc de l'exposition à hautes doses subie par ces pauvres souris.

Enfin, leur exposition était régulière et chronique. La notre est plus parsemée, tout dépend de nos consommations, de la fidélité des produits etc... Donc on élimine souvent facilement. Bref, les agences ont pris en compte ces facteurs pour déterminer notre exposition chronique.

Maintenant, cette étude est très intéressante et permettra à mon avis aux agences de noter des effets doses-dépendantes en plus. Pour réévaluer l'impact du machin et déterminer rationnellement des seuils d'ingestion, c'est ce genre de données dont on a besoin.

D'où le bon point d'utiliser plusieurs concentrations : on veut savoir si il y a une dose-réponse, un seuil de toxicité, une relation monotone.

Mais elle ne fait qu'ouvrir la voie vers une étude qui serait plus approfondie. Des effets clairs sont visibles mais il sera nécessaire de les reproduire si on doit se prononcer sur des DJA et compagnie.

En tout cas on n'a pas à paniquer. J'attends d'entendre les agences sur ça

Bon lundi.